NIHEI, Tsutomu, 2002 : Blame!, GLENAT.

CHAMPETIER Alexis

 

NIHEI, Tsutomu, 2002 : Blame!, GLENAT.

 

BLAME! est un manga de NIHEI Tsutomu, ancien élève en architecture s’étant reconvertit dans le manga.

 

L’histoire se déroule dans un monde cyberpunk, post-apocalyptique constitué par une énorme construction appelé mégastructure. Cette mégastructure est un énorme édifice autosuffisant, à la croissance chaotique, aux environnements tortueux et labyrinthiques dus aux dérèglements des ” constructeurs ” (des machines géantes créant des extensions à cette structure). Des milliers de niveaux, sans aucun moyen de communication les uns avec les autres, s’imbriquent verticalement sans aucune logique apparente. L’échelle humaine semble avoir été oubliée dans la construction de ces structures à la fois immenses et pourtant refermées sur elles-mêmes, la mégastructure s’étend bien au delà de la LUNE ou du moins du satellite de la planète où se déroule l’action, laissant envisager la taille de cette construction hors norme.

 

Le monumental et le confiné sont les caractéristiques de cet espace désert, écrasant et vertigineux dans ses proportions absurdes. Pour mettre en parallèle ce côté clos mais démesuré, on peut voir la série d’illustrations de prisons de l’architecte et graveur Giovanni Battista PIRANESI ou encore le jeu vidéo ICO, tous deux évoquant l’isolement, la solitude, le labyrinthique et la grandeur. L’architecture de la MÉGASTRUCTURE est très froide, composé de matériaux parfois semblable à l’acier, parfois inconnus, très souvent enchevêtrés , avec ces ensembles de tuyaux et réseaux à l’aspect tentaculaire donnant à une architecture pourtant totalement dénué d’éléments naturels, un coté organique et vivant dans l’agencement de ces éléments et de son développement anarchique. Les protagonistes évoluant dans ce monde présentent les mêmes éléments que son architecture, à savoir une perte de repères entre l’organique et l’anorganique, ces individus biomécaniques présentent les mêmes paradoxes que leur environnement, créant cette sensation d’attraction/répulsion, de fascination, malgré ce coté très sombre et inhumain. L’errance de KILLY nous dépeint, malgré toute les remarques faites précédemment, un univers à l’ambiance certes malsaine, mais aussi poétique, voir onirique. On peut aussi voir dans ce monde l’existence du corps naturel et du corps virtuel, bien plus en relation que dans notre monde, incarner par la résosphère, lé réseau virtuel gérant les mégastructures.

 

En extrapolant, NIHEI nous donne une vision pessimiste d’un futur où la technologie tout comme la croissance inexorable et incontrôlée des villes dépassent l’homme. Actuellement, l’incompréhension de l’homme face à la technologie, qui pourtant l’utilise quotidiennement, se reflète dans le manga par l’illettrisme des gens, leur incapacité à se connecter à leur réseau virtuel, la ” résosphère “, pourtant ces mêmes gens utilisent des technologies avancées, sans vraiment savoir leur composition ou leur mécanisme propre. La croissance chaotique propre à la mégastructure (d’ailleurs appelée ” la Ville ” ) peut être comparé à nos mégalopoles avec sont enchevêtrements de réseaux, cette perte de compréhension spatiale et l’oubli petit à petit de l’échelle humaine face à cette propension à l’immensité. La violence de l’oeuvre de NIHEI est en rapport direct avec la constitution de son architecture, on pourrait même parlé de ségrégation spatiale même si les espaces où résident les forces en jeu sont plus abstrait ( la résosphère, inatteignable depuis la réalité basique ) que les quartiers de nos villes.

 

Si l’univers de BLAME! à son propre esthétisme et un certain onirisme, notre environnement urbain pourrait de par l’architecture apporter ce coté à la fois irréel et fascinant sans pour autant délaisser l’approche humaniste qui devrait être inhérente à toute architecture.

 

NIHEI, Tsutomu, 2002 : Blame!, GLENAT.