LIGNERES, Philippe, 2003 : Pas lieu d’être, France, 52’.

CHEVALLIER Thibault

 

LIGNERES, Philippe, 2003 : Pas lieu d’être, France, 52′.

 

Le documentaire proposé par France 3, pose la question du processus de la privatisation des lieux publics.

 

Mais quel est le sens de ” lieu public ” ?

 

C’est un espace partageable par tous, inscrit au sein de la ville.

 

C’est un espace qui nous accueille, où l’on tisse des liens avec les autres, non pas les personnes qui partagent un même immeuble, une même rue, ou des personnes qui participent de la même mentalité, mais ” les autres ” c’est aussi les SDF, les routards, l’émigré que l’on tente de contenir dans son quartier loin de la ville, ou encore les gens du voyage que nous aimons bien mais que nous préférons voir loin de chez nous, c’est-à-dire nulle part.

 

Les autres, cela peut être aussi des handicapés physiques qui ne peuvent pas toujours aller là où ils le veulent, faute d’infrastructures adaptées.

 

Le lieu public contribue à la magie de la ville, cette espèce de générosité, de partage où chacun doit amener ses codes de manière implicite afin de tisser des liens, de faire vivre la ville, le quartier ou la rue.

 

S’il n’y a pas cet espace public, que ce soit une place ou un parc où l’on peut mêler ses codes, on ne se rencontre jamais, on ne sait plus où se poser et l’on est alors forcé d’aller dans le prescrit, ou bien nulle part.

 

Et c’est un peu ce qu’il est entrain de se passer.

 

Sous prétexte d’une normalisation de l’espace urbain, les politiques (par la rédaction de lois anti-mendicité, ou par des lois qui imposent à chaque nouvelle construction un audit de sécurité), éjectent des lieux publics certaines catégories de personnes susceptibles de perturber la pratique de ce lieu par des habitants ” normaux “.

 

La ville est maintenant un espace ouvert, rempli de sous-espaces clos.

 

Comme le dit très justement le documentaire, ” le grand danger des enclaves privatisées, et cette chasse aux SDF et homeless, sont des signes de l’effacement progressif du citadin, anonyme, indépendant, libre, et progressivement vient se substituer à lui le consommateur qui paie des impôts et en veut pour son argent.

 

Cette phrase met en relief le vrai problème : la majorité des gens refuse la différence, et ” paie ” les politiques à travers leurs impôts pour tenir les gens différents à l’écart des lieux qu’ils fréquentent.

 

L’espace public tend donc à être privatisé, et ce qui confirme ce processus est la volonté des politiques et des concepteurs d’espaces urbains, de renforcer le sentiment de sécurité des ” consommateurs “.

 

En effet, les lieux publics sont maintenant aménagés pour prévenir le crime, conformément à la doctrine du ” defensible space “, où l’architecture est, par sa forme et sa structure, défendable.

 

Le pouvoir disciplinaire s’exerce en se rendant invisible. Il impose à ceux qui s’y soumettent un principe de visibilité obligatoire ; c’est le fait de toujours pouvoir voir et être vu qui maintien l’individu discipliné “.

 

Le but de cette architecture est donc d’assurer le fonctionnement automatique du pouvoir, ce qui du même coup affaiblit le sentiment de liberté du citadin et accentue le processus d’enclavement des espaces publics.

 

Avec ce projet, nous ne créons pas seulement un bâtiment, mais nous devons, dans un souci environnemental et de qualité de vie urbaine, concevoir un lieu public, un concept d’espace urbain accueillant, accessible à tous et ouvert sur son environnement.

 

De plus, nous transformons l’espace public actuel, nous en dévions les flux piétons par la création de nouvelles voies menant à la maison de l’architecture.

 

Cette maison de l’architecture est à la fois un bâtiment à usage public, avec ses bibliothèques, salles de conférences etc…, Et à la fois un bâtiment à usage privé, avec ses chambres et bureaux.

 

Doit-on faire visuellement la différence entre les deux ?

 

Si oui, comment marquer la rupture, comment traiter ces espaces ?

 

LIGNERES, Philippe, 2003 : Pas lieu d’être, France, 52′.