Art/Architecture/Ville

ETANG SALÉ Ophélie

Art/Architecture/Ville

Depuis le premier établissement ouvert au XVIème siècle, les musées sont apparus comme un moyen privilégié d’offrir à plusieurs l’accès à des œuvres jusqu’à là réservés à un usage privé. L’exposition dans un espace réservé permet de mettre à disposition du plus grand nombre des biens autrefois réservés à une minorité. Il s’agit de rendre la culture accessible à tous. C’est ainsi que la FRANCE expose une infime partie des collections royales à partir de 1778 au PALAIS DU LUXEMBOURG. La révolution marque un tournant avec la nationalisation des biens de la famille royale, du clergé et des nobles étrangers, biens exposés au MUSÉUM CENTRAL DES ARTS à partir de 1793 (aujourd’hui MUSÉE DU LOUVRE) et dans 15 grands musées provinciaux instaurés par le CONSULAT.

Le musée s’inscrit alors dans une double perspective : il permet la conservation d’oeuvres du passé et l’éducation du goût. Mais au fil du temps, la vocation du musée ne se réduit plus à ces deux missions, elle est en perpétuelle évolution.

Dans un premier temps, je développerai les problématiques qui se posent lorsque l’on aborde la question du musée : la relation Art/Architecture/Ville, la nature du rapport qu’entretient le visiteur face à l’art, ces points constituent des questions récurrentes depuis la démocratisation du musée. La muséographie devient alors un élément essentiel dans l’élaboration de cette institution culturelle.

En outre, un autre paramètre est à prendre en compte : l’engouement populaire dont il fait l’objet. En effet, toujours dans l’optique d’attirer le plus grand nombre, le musée est devenu un espace interdisciplinaire, qui se dote d’espaces plus « commerciaux » (librairie, cafétéria…) qui vont certes établir des liens avec la ville mais ils vont complexifier la structure du musée, qui va devoir gérer ces différentes strates, sans toutefois s’éloigner de sa volonté principale, à savoir présenter des oeuvres d’art.

Autant de questions qui se posent aux architectes et aux conservateurs, au moment de la conception d’un musée.

A/ COMMENT ABORDER LA QUESTION DU MUSÉE…

1 – LA VOCATION DU MUSÉE

Le musée d’antan était considéré comme un monde à part, souvent hermétique, qui ne concernait qu’un public d’initiés, cette tendance tend à s’inverser, en effet sa volonté d’ouverture et démocratisation de l’art est désormais au cœur de ses priorités. Démocratisation qui se traduit en outre par son architecture, à l’image de la PYRAMIDE DU LOUVRE qui joue sur la transparence, symbolisant ainsi une culture, un savoir à la portée de tous.

Acteur économique au sein du système culturel national et international, le musée s’inscrit dans un nouveau programme culturel et architectural, sa conception ne cesse d’évoluer. En effet, le musée ne se contente plus de montrer uniquement de l’art, sous toutes ses formes, mais il présente aussi la science, la technique, l’histoire, autant de nouvelles disciplines qui sont significatives de progrès et modernité, conformément à la société dans laquelle nous évoluons.

Témoin de la mémoire d’un patrimoine et véritable outil de communication, il donne à la ville une identité et contribue à son dynamisme. De ce fait, un musée n’est pas un projet quelconque, il véhicule une image, représentative d’une société, d’une culture – telle une vitrine de magasin, il en communique son histoire – il constitue un repère dans une ville ; dans cette logique son architecture ne peut être anodine, d’autant qu’elle s’inscrit dans un contexte environnemental aussi complexe que varié, il s’agit de créer un dialogue entre cet environnement et cet architecture muséale. A juste titre, le GUGGENHEIM DE BILBAO, conçu par Franck GEHRY est significatif : son architecture peu ordinaire – c’est le moins que l’on puisse dire – lui donne une dimension événementielle, de plus, ce musée a réussi à relancer l’économie de cette cité industrielle espagnole, en faisant de la ville un pôle culturel majeur en Europe.

Conservation, collection, exposition, éducation, délectation telles sont les missions affichées par le musée. C’est un lieu dédié à des œuvres, à leur présentation, le musée fait l’objet d’une scénographie particulière destinée à souligner, à mettre en valeur la singularité de ces objets. On pourrait finalement penser que le musée contribue à la pérennité des œuvres qui sont pour ainsi dire, à tout jamais figées dans ce lieu.

Au sein de cette évolution contextuelle, le musée est un lieu collectif, social qui permet une confrontation directe entre l’art et le visiteur, qui est accompagné par une muséographie, destinée à le guider dans son approche avec les œuvres exposées.

En outre, ce lieu public facilite l’ouverture à d’autres horizons : la découverte de d’autres sociétés, cultures. Le musée a cette faculté de cultiver la différence, en exposant des oeuvres, qui proviennent de différentes époques, histoires et lieux, et cette mise en situation va contribuer pour ainsi dire à un enrichissement personnel, qui va bien au delà de la contemplation des œuvres exposées, il s’agit de dépasser les frontières physiques, de se questionner, d’observer, d’évoluer, d’appréhender les choses sous un autre angle, afin de s’ouvrir au monde.

2 – LE STATUT DE L’ART

QU’EST CE QU’UNE OEUVRE D’ART ?

Le musée présente des œuvres d’art certes, néanmoins une question se pose inévitablement à quoi reconnaît- on une œuvre d’art ? Est-ce finalement le musée qui le place au rang d’oeuvre d’art, à l’image des « ready made » de Marcel DUCHAMP : des objets quotidiens placés dans un musée deviennent des œuvres d’art à part entière.

En d’autres termes, les œuvres d’art existent-elles en tant que telles avant leur mise en place dans un musée. Une question pour le moins loufoque me vient à l’esprit : est ce la poule qui a fait l’oeuf avant ou inversement ?

Pour ma part, la définition de l’art à proprement parler reste abstraite, c’est le cas de le dire. ADORNO affirme que « la dimension fondamentale de l’art est une vocation polémique ». En effet, c’est parce que la simple contemplation paraît ne pas suffire à l’appréciation esthétique que nous l’agrémentons presque systématiquement d’un jugement. Or, notre relation à l’art évolue et ne cesse de s’intellectualiser. Il semble que c’est la multiplicité des arts et des œuvres qui porte à s’interroger sur une possible valeur commune de tous ces objets artistiques, que l’on pourrait alors rassembler sous un même concept d’oeuvre d’art. Or, si l’art est un concept universellement reconnu, les critères permettant de l’appliquer ou non à une œuvre quelconque, restent, eux, arbitraires. Il apparaît ainsi qu’une création qui se voudrait du domaine artistique pourra ne pas remporter l’adhésion de son public. Le processus de sacralisation d’un objet à partir du moment où il entre dans un musée pourrait mettre tout le monde d’accord. Soit, poussons alors les choses jusqu’à leur paroxysme : dans cette optique « tout et n’importe quoi » par exemple un simple gribouillage de ma part, placé dans un musée deviendrait automatiquement une oeuvre d’art, nous sommes tous des artistes alors ?! Réduire l’art à cela, le dénuerait de son sens, il n’aura plus raison d’être.

Tout comme il est incongru de le définir uniquement sur des critères esthétiques « pures » : cela serait absurde de dire que parce que je ne trouve pas tel objet beau que ça n’est pas une oeuvre d’art.

Non, il faut voir les choses sous un autre angle. L’art n’a aucune utilité, la vision que j’en ai, est la suivante : l’art est l’expression d’une sensibilité, il suscite en nous des émotions en éveillant nos sens, il amène à un retour sur soi, il induit une réflexion, cela va bien au-delà de la simple contemplation. L’oeuvre constitue finalement un support permettant un dialogue entre l’artiste et le public. En effet quelque soit la forme sous laquelle il se présente, l’art admet ces 3 constantes : artiste – oeuvre – public. Quand à savoir si l’un est déterminant, la tendance irait plutôt vers l’artiste qui nous fait part de son expérience, de sa perception qui est plus grande sans obligatoirement être meilleure que la notre, de ce fait, le public lui est conditionnée finalement.

LE PARADOXE DU MUSÉE

Dans ces conditions, l’art est-il réellement accessible à tous ? Le musée aujourd’hui exprime une volonté de le désacraliser mais qu’en t-il en réalité ? Il serait un peu utopique de le croire, non pas que l’art est pratiqué uniquement par une élite mais elle n’est pas à la portée de tout le monde.

L’art est question de sensibilité soit, mais il convient pour l’appréhender d’avoir une culture. J’entends par là que notre vision, qui n’est que subjective, n’est pas suffisante, notre regard n’est pas suffisamment mature.

Il nous faut des principes, des règles qui ont été posés, qui sont donc universels. Cet apprentissage passe évidemment par l’éducation, par l’expérience, qui est facilitées par des conditions sociales privilégiées.

C’est seulement à partir là de que va se construire notre jugement, le but n’étant pas d’avoir la même opinion sur une oeuvre mais au contraire il s’agit d’avoir des avis divergents qui vont être partagés et nous permettre ainsi d’enrichir notre confrontation à l’art. « Cette culture, comme le souligne si bien Pierre Bourdieu, qui n’est plus arbitraire, mais imposée, peut agir sans qu’on en soit conscient et nous laisse croire que nos choix sont aléatoires, libre et propre à chacun, c’est en réalité un plaisir cultivé ».

Fort heureusement la société évolue, elle met à disposition des outils qui vont l’initier, elle va l’aider à constituer une matière, qui va lui permettre d’appréhender l’art, de le comprendre et ainsi produire un jugement de beau certes mais aussi et surtout de goût.

On ne parle plus ici de privilège mais de droit à accéder à cette culture artistique.

Dans cette optique, le musée constitue également un instrument qui va guider ce public, l’informer, sa muséographie va l’accompagner dans sa découverte.

3 – LE MUSÉE AU SERVICE DE L’ART ?

LA DESTINATION DE L’OEUVRE

L’oeuvre, une fois placée dans un musée, est mise entre parenthèses, elle est « arrachée » de son contexte, sa destination n’est plus clairement définie. Cette institution créée le vide autour de l’oeuvre qui alors devient autonome. Cette mise en suspension à la fois spatiale et temporelle met en valeur, comme le décrit PROUST, l’oeuvre qui existe désormais en tant que telle, soulignant ainsi sa singularité.

Cette suspension est nécessaire certes, mais elle admet des limites. En effet, l’art n’a plus vraiment de sens sans son contexte, son approche en devient quelque peu difficile.

C’est là que le musée prend toute sa signification, car à l’instar du Musée imaginaire de MALRAUX qui intègre l’oeuvre dans son contexte originel, « il délocalise l’oeuvre d’art » soit, mais le musée lui recrée un environnement, des conditions d’exposition lui offrant un second souffle, permettant ainsi au public, le destinataire, de l’apprécier à sa juste valeur.

«Le vrai musée est la présence, dans la vie, de ce qui devrait appartenir à la mort », telle est la vision de MALRAUX au sujet du musée. Il est vrai qu’une fois installées dans ce lieu, les œuvres d’art deviennent immuables, elles sont à jamais figées, comme mortes et paradoxalement, elles vivent au travers du regard du visiteur.

Le musée est un « non lieu » dans le sens où le temps s’est arrêté et où l’espace n’est pas clairement défini, le musée fait la transition entre la destination initiale de l’oeuvre matérielle et sa destination immatérielle de monstration publique.

CONTENANT / CONTENU

L’art et l’architecture sont deux disciplines indissociables, la seconde découle en partie de la première, elles sont complémentaires. Il est fondamental qu’il y ait une interaction entre elles : l’art est un outil d’expérimentation pour l’architecture et inversement l’architecture constitue un lieu d’expression de l’art.

A l’heure d’aujourd’hui, nous évoluons dans une société visuelle qui n’est pas sans incidence sur l’architecture. On veut toujours innover, toujours repousser les limites : on veut du spectaculaire !

Le musée qui est en quelque sorte le reflet de cette société ne peut y échapper. Au même titre des œuvres qu’il abrite, le musée pourrait constituer un objet d’art à part entière, à l’image du GUGGENHEIM DE BILBAO de GEHRY, qui affichent de magnifiques formes organiques ou encore de la somptueuse spirale du GUGGENHEIM de NEW YORK de WRIGHT. Geste esthétique avant tout, ces exemples sont révélateurs d’une problématique que l’on ne peut nier, à savoir que ces objets architecturaux sont en concurrence directe avec les œuvres qu’ils exposent. En effet, on ne vient plus voir les œuvres présentées mais le musée, son architecture attire notre attention. Faire du musée un quasi objet, serait l’éloigner de son principal objectif : présenter des œuvres d’art.

De ce fait, au-delà de la dimension esthétique, l’architecture doit communiquer avec les œuvres qu’il expose. Aussi une sobriété d’écriture ne prévaut-il pas ? Cela ne signifie pas pour autant de faire une architecture « brute » mais bien au contraire, cette simplicité ne doit être qu’apparence, car le fond doit se révéler des plus complexes. Les musées conçus par Tadao ANDO ou encore le CASTELVECCHIO de SCARPA sont significatifs à ce propos : un soin particulier est apporté sur le parcours muséal, les séquences, le support de présentation des œuvres, leur éclairage… Autant de détails qui illustrent la nécessité d’un dialogue permanent entre l’oeuvre et l’architecture muséale.

OEUVRE/ESPACE

Le musée présente des œuvres, issues de différentes sociétés et époques, de formes aussi variées que complexes. Ce lieu a pour objectif de faire cohabiter ces objets entre eux, de les faire coexister tout en soulignant leur singularité. C’est là que réside le défi du musée.

Pour ce faire deux types d’espace s’offre à lui : un espace libre ou fragmenté.

Quand à savoir laquelle des propositions est la plus judicieuse cela dépend. Si dans le premier cas, les œuvres sont en compétition entre elles, il offre néanmoins des possibilités spatiales permettant d’accueillir des œuvres de dimensions, formes différentes : il se prête davantage à des expositions temporaires. A l’inverse un espace fragmenté va poser une contrainte spatiale cependant il va amener une lisibilité, une cohérence, la confrontation entre les objets sera moindre.

Le parcours d’un musée est tout aussi important puisqu’il guide le visiteur dans ces espaces. Aussi il doit être lisible : à nouveau deux types de parcours sont possibles : en boucle ou labyrinthique. Le premier suit une logique chronologique ou autre, il est plus ou moins imposé, mais il peut être court-circuité permettant ainsi, un déplacement plus « libre », certes il influence la perception du visiteur, mais il permet toutefois une cohérence entre les espaces, l’art en sera mieux perçu. Le second quand à lui est plus souple, le visiteur est moins encadré, il est un sens plus neutre car le visiteur décide de dans son parcours.

OEUVRE/VISITEUR

Le musée est un intermédiaire entre le public et l’art, par conséquent il se doit avant tout d’offrir aux visiteurs, des espaces capables de les mettre dans une relation singulière avec les œuvres d’art. Il est essentiel d’immerger le récepteur dans ce monde, de le couper de toute réalité, afin qu’aucun élément ne viennent interférer et détourner son attention : ce qui prévaut c’est sa concentration sur l’objet d’art. Il s’agit de le débarrasser de tous ses repères et ses a priori, qu’il arrive « neutre » si on peut l’exprimer ainsi, devant l’oeuvre.

L’architecture et la muséographie et scénographie deviennent des points déterminants : esthétisme et fonctionnalité tels sont les mots d’ordre.

Concrètement cela se traduit par le traitement de la lumière, des matériaux et des couleurs dans le musée, au même titre que la dimension des espaces ou encore la position et les proportions de l’oeuvre dans ces espaces ont aussi leur importance : il s’agit de trouver une juste échelle entre l’oeuvre et son visiteur, qu’il ait suffisamment de recul face à elle sans toutefois aller dans l’excès.

L’éclairage (intensité, couleur…), le support (cimaise, socles et vitrines) jouent également un rôle déterminant dans cette relation entre l’objet d’art et le visiteur.

Dans un souci de faciliter la compréhension du public, le musée met en place des outils d’informatisation qui vont le préparer et lui expliquer l’oeuvre. Néanmoins cet écranique comme le nomme DÉOTTE admet des limites. En effet, à vouloir trop l’informer sur la logique créative de l’oeuvre, cet outil va influencer son jugement et fausser ainsi sa perception de l’objet, qui ne sera alors que basée sur la connaissance : cela constitue finalement une entrave à sa « liberté qu’il devrait posséder face à l’art ».

4 – ART / ARCHITECTURE / VILLE

L’ART EST- IL ENCORE LIBRE ?

Le musée est au service de l’art, il le limite à un espace défini, pour caricaturer on peut dire qu’il l’emprisonne. Dans ces conditions, l’idée du musée qui se veut espace de liberté est complètement utopique.

Les œuvres doivent répondre à des normes, elles subissent ces contraintes physiques. Ces objets d’art sont désormais conçus pour un lieu bien spécifique, l’art n’a plus raison d’être alors car pour exister en tant que telle, il doit être totalement libre. Mais cela va bien au-delà de l’entendement, poussons à nouveau les choses à leur extrême : admettons que l’art est « infini », où se situe alors la place du récepteur, du public, comment peut-il l’appréhender ? L’art ne serait alors plus accessible car le statut du destinataire est annihilé, il se replierait sur lui-même. Or, comme je l’ai dit précédemment l’art admet trois constantes : artiste – oeuvre – public ; par conséquent, l’art ne peut logiquement se suffire à lui-même.

L’art ne cesse d’évoluer, il se présente sous d’autres formes, il acquière d’autres techniques…il repousse toujours plus les limites – l’art contemporain est d’ailleurs significatif – dans cette optique, l’art ne doit plus se contenter du musée, un autre acteur pourrait subvenir aux manques du musée : la ville.

LA VILLE SUPPORT DE L’ART

L’art contemporain pourrait être qualifié « d’art en train de se faire ». Il est créatif, flexible, provoquant, il n’a aucune valeur pédagogue, mais il se veut accessible à tous.

Les caractéristiques, définies par la sociologue Nathalie HEINICH (« le triple jeu de l’art contemporain») en sont les suivantes :

• Innovation, transgression de l’artiste

• Réaction du public (qu’elle soit positive ou pas)

• Institution qui assure le lien entre l’artiste et le public

Il est l’art d’aujourd’hui, et pour cela il intègre de nouveaux outils, le multimédia qui est significatif de notre société, qui est fondée en partie sur le visuel.

Les murs du musée ne sont pas suffisants pour le contenir, l’art sort alors de son cadre pour aller s’exposer dans la ville. Puisque la technique le permet, tout est désormais support : pignons, toits, façades, rues… les lieux d’intervention sont perçus différemment. L’art investit la ville, il se l’approprie, la réorganise : la ville devient un vaste musée.

A l’instar des œuvres exposées dans un musée qui sont figées, cet art est vivant, constamment en mouvement, il est éphémère. Au-delà d’être visuel, cet art est aussi auditif, tous les sens mis en éveil.

Cette nouvelle donne désacralise définitivement l’art, elle lui insuffle une autre dynamique, puisque à l’inverse du musée, c’est l’art qui se déplace et qui vient à la rencontre du public, créant ainsi une certaine proximité avec lui, une complicité se créer, puisqu’il fait partie de l’oeuvre. Le but est de le rendre actif, il est alors plus réceptif.

Cette manière de créer et de pensée de l’art, remet en cause l’existence de lieux dédiés exclusivement à l’exposition. En effet comment justifier l’utilité du musée puisque tout peut être désormais support à l’art?

Le musée reste le lieu à part, dédié à l’art, il est à son service. Il va devoir s’adapter à cette autre vision de l’art. Il s’inscrit dans un contexte en perpétuelle évolution.

Il s’agit d’établir également un consensus entre espace muséal et espace publique : le dialogue entre oeuvre/musée/site est nécessaire.

L’intervention de BUREN au CENTRE POMPIDOU est significative : il crée une interaction entre l’oeuvre et le lieu et le musée lui sert de son socle modifiant ainsi son statut : le lieu d’exposition devient une oeuvre.

5 – LE “MUSEUM SYSTEM

CULTURE POPULAIRE ET DIVERTISSEMENT

A l’origine le musée repose sur un intérêt commun à savoir : l’instruction, le musée mis au service du public, « éduquer dans le plaisir », mais paradoxalement, c’est cette conception qui contribue à cette distinction sociale et culturelle.

Aujourd’hui cette valeur pédagogique est moins prise en compte, en effet le musée pousse le public à se questionner sur ses pratiques quotidiennes, son environnement dans lequel il évolue, à l’image des écomusées. Il s’agit en outre, de faire participer le visiteur, de le rendre actif, comme le fait l’art contemporain.

De plus, la gratuité des musées, du moins en France, le premier dimanche du mois et les visites nocturnes contribuent à ouvrir davantage cette institution culturelle.

Ces nouvelles pratiques du musée confèrent un sens différent (autre que le divertissement) de la culture populaire.

Dans cette optique, la nécessité de rendre les œuvres accessibles au public est évidente, cela passe par informer le public sur le contexte et la vision de l’artiste qui va ainsi contribuer à la compréhension de l’oeuvre. De même que placer le musée au plus près de la société, en lui le enlevant ce caractère monumental qui lui est attribué, désacralisant définitivement les objets qu’il expose.

POLYVALENCE

Le musée connaît différentes restructurations – extension, rénovations…- qui ont pour but de moderniser lieu. Dans cette optique, il se dote depuis quelques années d’espaces de socialisation : cafétéria, auditorium, librairie, ateliers, même les réserves sont ouverts aux visiteurs, ces espaces annexes, qui vont en outre établir des liens avec la ville, sont destinés à attirer un public toujours plus large, offrant ainsi une toute autre vision que l’on a du musée, autre que celle d’un lieu austère, fermé : il s’agit d’en faire un lieu ouvert, de rencontre, aux usages multiples.

L’intégration de ces espaces de vente, de restauration…n’est ce pas se détourner de l’essence même du musée, à savoir exposer/partager ? Certes, mais leur intégration au sein des musées corresponde à une suite logique de l’évolution muséographique, d’autant qu’ils contribuent à démocratiser ce lieu dédié à l’art.

Dans cette logique, on assiste à un renforcement de la fonction d’exposition sur celle de conservation, il s’agit donc de créer des espaces ouverts, mobiles et interdisciplinaires, à l’image du CENTRE POMPIDOU ou encore le PALAIS DE TOKYO à Paris. Ces espaces sont davantage destinés aux expositions temporaires qui sont d’ailleurs les expositions qui rencontre le plus de succès, par rapport aux temporaires, car les œuvres présentées sont constamment renouvelées d’une part, permettant ainsi de voir des objets qui n’auraient pas été forcément montrés au public, et d’autre part ces oeuvres font l’objet d’une présélection, qui facilite leur perception, leur compréhension.

COMMERCE CULTUREL

Depuis deux décennies, l’engouement populaire autour du musée ne cesse de croître.

Si la culture est un facteur d’enrichissement à l’échelle de l’individu, elle est également un facteur d’enrichissement pour la ville. La culture n’est pas gratuite, elle s’inscrit dans une économie de marché. Cette valeur marchande et symbolique d’ailleurs qui lui sont indexées constitue un atout, puisque elle va aider au financement des musées, qui ne peut reposer uniquement sur les fonds publics. Aussi les musées deviennent parfois des décors cinématographiques, à l’image du CHÂTEAU DE VERSAILLES, qui a reçu le tournage de Marie Antoinette de Sofia COPPOLA. La commercialisation de l’art semble inévitable.

Mais au-delà, les musées sont de plus en plus privatisés, le risque est que ces lieux ne soient alors accessibles qu’à une minorité.

LES DÉRIVES DE LA SOCIÉTÉ

Nous vivons dans une société de consommation, de zapping, on en veut toujours plus dans un court laps de temps. En effet, le visiteur ne prend plus le temps de contempler l’oeuvre de l’apprécier à sa juste valeur, il passe de l’une à l’autre sans réellement chercher à en comprendre le sens : suivante !

Or, à la base le musée constitue un lieu où le temps devrait être suspendu, un lieu de pause, mais il finit par devenir un lieu chaotique dans la mesure où il expose trop d’oeuvres, qui ne sont plus respectées en tant que telles : le visiteur se perd dans cet excès car ces objets se confrontent, ils sont en compétitions, ces différentes oeuvres cherchent toutes à attirer notre attention pour nous faire oublier la sculpture voisine et enfin exister, comme le souligne si bien Paul VALÉRY, cette démarche est à la fois inhumaine et paradoxale, puisque le dialogue entre l’oeuvre et le public devient alors quasi inexistant et les nouveaux outils de communications mis à disposition de tous renforcent cette annihilation.

En outre à l’heure du multimédia, de l’Internet, ces œuvres sont reproduites, elles sont banalisées, finalement si elles peuvent être vu quand bon nous semble, qu’est ce qui va amener le visiteur à se rendre dans un musée?

Prenons un exemple : je peux voir la Joconde sur mon écran d’ordinateur quand je le souhaite mais mon rapport à l’oeuvre est faussé car il manque ce caractère authentique, cette mise en scène de l’oeuvre qui va éveiller en moi des émotions. C’est cette authenticité, cette atmosphère si particulière qui va aujourd’hui prévaloir.