DEOTTE, Jean-Louis, 1993 : Une Architecture d’intérieur, Walter Benjamin, in Le musée, l’origine de l’esthétique ,Éditions L’HARMATTAN, p293.
DEOTTE, Jean-Louis, 1993 : Une Architecture d’intérieur, Walter Benjamin, in Le musée, l’origine de l’esthétique ,Éditions L’HARMATTAN, p293.
Le chapitre intitulé une architecture d’intérieur, du livre de Jean-Louis DEOTTE, est une critique, au sens positif du terme, de l’étude sur les « passages » effectuée par Walter BENJAMIN. Celle-ci est présentée dans l’ouvrage Das Passagen-Werk, qui rassemble tous les écrits que le penseur avait pu produire sur le sujet, qu’il s’agisse de passages au sens architectural ou au sens littéraire. C’est d’ailleurs de ce dernier dont il est question dans l’extrait étudié, Jean-Louis DEOTTE mettant en relation le sauvetage des rebuts, des restes, le faire-voir, l’articulation suspensive d’un Maintenant et d’un Autrefois dans une image dialectique, avec une muséographie (dite muséographie benjaminienne).
Quelques éléments isolés : W.B. opère une distinction entre le commentaire d’une réalité, qu’il rapproche d’une étude théologique, et le commentaire d’un texte qui renvoie lui à la science de la philologie (étude d’une civilisation, d’une culture, par les textes émis par celles-ci). Le commentaire d’une réalité (peut-être d’une œuvre) permet d’imaginer ce que sera son exposition de l’histoire, sa muséographie. La perception des choses de W.B. est monadique (une monade est une unité parfaite qui représente le principe des choses matérielles et spirituelles). Il distingue alors 2 types de monades : celle correspondant à la vision de LEIBNIZ, spatialisant le temps et l’histoire, et une autre tournée vers une expression temporelle. J.L. DEOTTE rappelle aussi qu’il ne faut pas croire au caractère solaire de l’éclairage zénithal, qui, par son contrôle et sa régulation, devient totalement artificiel. L’élément de vérité n’est plus la lumière mais l’éclairage électrique dont les exposant usent pour mettre en valeur les objets. Par contre, comme le souligne BLANCHOT, l’élément de mémoire n’est pas toujours celui sollicitant le sens de la vue (mettre en question l’idée occidentale que lumière et visibilité induisent forcément vérité et connaissance).
LE THÈME PRINCIPAL :
L’intérêt premier du chapitre que nous étudions réside dans la description d’une lien étroit entre intérieur et extérieur, entre espace muséal et espace public, entre œuvre et société. C’est en cela que « les passages » sont intéressants : ce sont des lieux particuliers, des entre-deux, des « maisons du rêve collectifs » comme le sont les jardins d’hiver, les usines, les gares… des lieux sans extérieur (comme les rêves).
Pour W.B., les musées sont :
• des architectures sans extérieur ; la couverture extérieure est sans rapport avec les espaces muséaux,
• des intérieurs. L’origine des 2 est le croisement de l’architecture des galeries (royales) à celle des halles et des églises baroques, qui a donné les musées du XIXème siècle. W.B., nous apprend comment le fer et le verre ont fait irruption dans l’architecture des musées au cours du XIXème siècle qui est, pour lui, « la préhistoire de la modernité ». Ces nouveaux éléments architecturaux vont introduire un nouveau rapport entre les œuvres et l’extérieur, un nouveau rapport à l’Art. On voit ici apparaître une nouvelle vision de l’Art, détachée d’une « fatale monumentalité »…
Cette absence de façade générée par l’architecture de verre annihile le rôle d’ornement de celle-ci et conduit au principe de miroir, de retournement sur soi. La ville se voit dans les musées.
Ensuite, on peut relever dans les écrits de DEOTTE sur W.B., une conception labyrinthique de l’espace urbain et de l’espace muséal : la multiplicité des citations (ou passages) désoriente le lecteur (ou visiteur) qui s’enfonce toujours plus dans la lecture (dans le parcours). « Manifestement, l’intérieur (au sens d’un noyau de sens) fait défaut : il n’est pourtant question que d’intérieur ». Les passages sont décrits par W.B. comme un labyrinthe de couloirs et de caves. Personne n’en connaît la totalité : on voit ici l’importance de l’aspect complexe, insaisissable et irrégulier de ces espaces. Ils doivent exister et évoluer : vivre. La fonction de seuil, assumée par l’entrée dans ces lieux particuliers, est soulignée. Le musée moderne semble donc être l’occasion d’une réflexion « intérieur » de l’Art sur lui-même. Un lien étroit est tissé entre les lieux d’exposition, qui deviennent des miroirs, et la société. Les espaces muséaux peuvent être pensés comme des espaces urbains, comme une fraction de ceux-ci les illustrant, comme une citation, un passage. Le musée n’est plus le lieu de l’inventaire historiciste mais devient témoin d’un présent d’une société et de son rapport à l’Art (c’est pour cela que sont associés un réseau labyrinthique de boyaux en surface (l’urbain) et un labyrinthe de couloirs et de caves (les passages). Les œuvres ne sont plus importantes que par elles-mêmes mais aussi par le message qu’elles véhiculent, par leur sens. Et, c’est sur cette idée que W.B. conclut, en effectuant une analogie avec des œuvres littéraires modernes : expliquant que plus une œuvre se commente, plus elle appelle de commentaires, il nous rassure sur ce qu’est l’Art moderne (depuis le XIXème siècle) : une réflexion de la société sur elle-même.
DEOTTE, Jean-Louis, 1993 : Une Architecture d’intérieur, Walter Benjamin, in Le musée, l’origine de l’esthétique ,Éditions L’HARMATTAN, p293.
BENJAMIN, Walter, 1939 : Paris, capitale du XIXe siècle.
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