BRUGÈRE, Fabienne, 2002 : Le musée entre culture populaire et divertissement, in Revue Esprit – Quelle culture défendre?, p90.
BRUGÈRE, Fabienne, 2002 : Le musée entre culture populaire et divertissement, in Revue Esprit – Quelle culture défendre?, p90.
Fabienne BRUGÈRE, maître de conférences en philosophie, université de BORDEAUX III.
Le musée concerne t-il tout le monde ?
Le concept de musée s’appuie sur un paradoxe : sa volonté d’être une institution démocratique (à savoir conserver et partager les œuvres) mais sa pratique est tout autre puisque sa fréquentation révèle des inégalités sociales et culturelles (les musées sont pratiqués par les classes aisées et instruites de la population).
Ce sont dans les valeurs sur lesquels il s’appuie que résident les problèmes. Tout d’ abord dans le conflit des valeurs du sérieux de la culture savante (histoire de l’art….) et culture profane (sciences/techniques) et de la frivolité de la culture dite de « divertissement ». C’est vers cette dernière que tendent les valeurs du musée d’aujourd’hui, ceci se traduit notamment par la rénovation, extension des musée, le soin apporté l’agencement des espaces, leur ambiances, à la présentation des oeuvres …mais également par la présence d’espaces attractifs (cafétéria, libraire…) destinés à toucher un public toujours plus large.
La culture populaire s’appuie sur l’expérience de la culture du peuple et sa façon de se reconnaître dans ce patrimoine, qui passe par une meilleure connaissance de patrimoine au travers des expositions et par l’identification de ce peuple et de ses classes sociales qui le constituent.
Cette intention de démocratisation connaît des limites puisqu’elle accentue la distinction entre culture populaire assimilée au divertissement et aux formes « hautes » de la culture.
On assiste depuis quelques temps à une évolution muséographique, en effet on passe du musée classique au musée moderne.
Dans le 1er cas le musée est un lieu d’exhibition qui s’appuie sur une sélection préalable des œuvres et sur son architecture qui détermine des espaces monumentaux, distinguant ainsi le musée du reste. Il est ici considéré comme un sanctuaire, alors que le musée moderne repose sur la participation du visiteur, le rendre actif, la mobilité des objets exposés, la prise en compte de l’ environnement dans lequel les hommes évoluent : c’est un espace ouvert (ex des écomusées/ la Villette).
Le centre d’intérêt du musée porte sur le présent qui prévaut sur le passé aussi on assiste à un renforcement de la fonction d’exposition sur celle de conservation, il s’agit donc de créer des espaces ouverts, mobiles et interdisciplinaires (BEAUBOURG et plus récemment le PALAIS DE TOKYO à PARIS) mais ces intentions sont oubliées afin de revenir à un musée plus traditionnel.
Néanmoins les expositions semblent confortées ces premières intentions dans la façon don elles lient « musée, temple sacré » et musée reflet des pratiques sociales (ex du POP ART exposé dans un musée classique, ce dernier tend à désacraliser l’art ancien).
A l’origine le musée repose sur un intérêt commun à savoir : l’instruction, le musée mis au service du public, « éduquer dans le plaisir », cependant c’est cette conception qui contribue à cette distinction sociale et culturelle. Cette valeur pédagogique est moins prise en compte.
Cela se traduit notamment par les caractéristiques de l’art contemporain mis en avant par la sociologue Nathalie HEINICH (” le triple jeu de l’art contemporain”) :
• Innovation, transgression de l’artiste
• Réaction du public (qu’elle soit positive ou pas)
• Institution qui assure le lien entre l’artiste et le public.
L’un des risques de l’art contemporain est de ne plus prendre en compte le paramètre public et de se refermer sur lui-même, il n’est alors destiné qu’à des initiés, des spécialistes du genre.
Le musée pousse le public à se questionner sur ses pratiques quotidiennes, son environnement dans lequel il évolue. Proposer d’autres formes que la culture telle que l’on la connaît aujourd’hui, n’attirait finalement un public différent, tout autre que celui de la culture « haute » (ex : CITÉ DES ARTS à MARSEILLE : les artistes occupent et transforment des espaces publics).
Ces nouvelles pratiques du musée confèrent un sens différent (autre que le divertissement) de la culture populaire.
Dans cette optique, la nécessité de rendre les œuvres accessibles au public est évidente, cela passe par informer le public sur le contexte et la vision de l’artiste qui va ainsi contribuer à la compréhension de l’oeuvre. De même que placer le musée au plus près de la société, en lui le enlevant ce caractère monumental qui lui est attribué, désacralisant définitivement les objets qu’il expose (GUGGENHEIM à BILBAO redynamise l’économie locale, à BORDEAUX et TOULOUSE : la restauration d’édifices liés à des pratiques industrielles assure le lien de l’art à la vie).
NB : Favoriser l’indépendance des musées afin d’avoir une gestion plus libre/souple, les “libérer” de la tutelle de l’État qui imposent ses règles (des œuvres mis en réserves ne sont jamais exposées au public).
PROBLÉMATIQUES SOULEVÉES :
Le musée, lieu de divertissement, mais à quel prix ? Cette volonté de rendre le musée attractif par « le neuf et l’inédit » se fait finalement au détriment des œuvres exposées, qui ne sont plus respectées en tant que telles.
Comment permettre l’accès du musée à d’autres que ceux qui le fréquentent habituellement ? En intégrant des éléments de vente, restauration afin d’attirer le plus grand nombre, n’est ce pas se détourner de l’essence même du musée, à savoir exposer/partager reposant ainsi sur la contemplation? Ou finalement leur intégration au sein des musées corresponde à une suite logique de l’évolution muséographique, en faire un espace plus “polyvalent” qui s’appuie sur la participation du visiteur?
Comment le musée va-t-il gérer cette nouvelle complexité ? Cela passe évidemment par une hiérarchisation des espaces entre les lieux annexes (cafétéria, librairie), espaces d’exposition…
BRUGÈRE, Fabienne, 2002 : Le musée entre culture populaire et divertissement, in Revue Esprit – Quelle culture défendre?, p90.
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