LUGON, Olivier, 2000 : Des cheminements de pensée, in Oublier l’exposition – ArtPress 21, p16.
LUGON, Olivier, 2000 : Des cheminements de pensée, in Oublier l’exposition – ArtPress 21, p16.
DES CHEMINEMENTS DE PENSÉE
La gestion de la circulation dans les expositions didactiques.
Toutes les expositions exigent une déambulation, qu’elles soient artistiques, commerciales ou didactiques. Elles sont la combinaison d’un déplacement physique et d’une perception des œuvres (le processus intellectuel).
Dès les années 20, les expositions didactiques apparaissent.
La conception de l’exposition s’imagine comme un texte, une organisation d’idées. Il s’agit alors de composer avec chaque élément graphique, textuel, photographique ou autre… et d’organiser une circulation qui va se lire comme un discours, une rédaction.
Le déplacement du corps est lié à la pensée exposée. Ce design d’exposition va intéresser bon nombre d’artiste, EL LISSITZKY, BAYER, MOHOLY-NAGY, C. et R. EAMES…et va exprimer l’intention d’obtenir un partage du savoir, une communication plus immédiate que l’écrit, « une union retrouvée du corps et de l’esprit. » .
Le but de ce type d’exposition est de renverser le rôle du visiteur, qui jusqu’à présent était passif, en un spectateur actif et dynamique.
Telles sont les expositions, installations didactiques de LISSITZKY, BAYER ou de MOHOLY-NAGY. D’abord le mouvement de l’oeil, du corps et ensuite, le cheminement, la circulation. Cette manière d’appréhender l’exposition fait apparaître une nouvelle façon de transmettre des idées, des savoirs en y articulant le déplacement. Le parcours le long d’objets réglés et précis, est associé au cheminement de pensée du visiteur. Finalement, l’exposition est conçue comme un cheminement de pensée.
En 1930, et MOHOLY-NAGY présente une des premières expositions sur ce principe de cheminement de pensée suivant un parcours imposé. Ce principe induit la direction du public en fonction d’une lecture logique et linéaire de l’exposition et une clarté dans l’organisation des salles.
A l’inverse de la démarche de BAYER, LISSITZKY conçoit l’exposition comme une succession d’éléments indépendants les uns des autres, sans ordre de perception.
Pour BAYER, une exposition est avant tout une science de la circulation.
L’ exposition « montage » :
Et il va approfondir ses idées dès 42 avec le photographe Edward STEICHEN lors d’une exposition au MOMA de NEW YORK « road to victory ». Pour BAYER, l’exposition doit avoir une multiplication de points de vues, le regard dissèque et recompose les choses : c’est le principe du montage. Il va articuler ces deux thèmes : le montage et la circulation en y introduisant la 3° dimension : une expérience spatio-temporelle fondée sur la diversité des points de vues. C’est en quelque sorte un cinéma inversé, le public n’est plus statique face aux images, il progresse au fur et à mesure des éléments exposés.
« L’exposition est un film dans lequel c’est vous qui bougez et où ceux sont les images qui restent immobiles. »
BAYER va plus loin que STEICHEN en s’emparant des déplacements du spectateur pour produire des enchaînements. C’est le mouvement du visiteur qui crée le montage.
Il va jouer sur les différences de niveaux, les changements d’ambiances pour créer des séquences, des émotions qui vont correspondre au déroulement du récit. Chaque changement correspond à un événement. Il fait vivre l’exposition comme une expérience physique. Cependant, cette façon de diriger les déplacements du visiteurs n’est elle pas contradictoire avec la volonté de rendre actif celui-ci ?
Est-ce que trop de bornes et de directions n’amènent t’elles pas justement à une forme de passivité ?
L’exposition « rythmique » :
BAYER va pousser sa réflexion jusqu’à l’automatisation des parcours :le tapis roulant, pour que le visiteur soit « soumis de façon obligatoire à la direction voulue ».
L’avantage que représente ce principe pour lui, est de pouvoir donner un rythme au déroulement de l’exposition. L’expérience physique s’accompagne d’une expérience temporelle. Celle-ci a donné lieu à un nouveau type d’art :l’art temporel.
En 39-40, BAYER va concrétiser son idée dans une présentation didactique :le FUTURAMA, dans le PAVILLON DE LA GENERAL MOTORS. Le thème du FUTURAMA est la contrôle de la circulation (automobile surtout). Bel GEDDES propose un système radioconcentrique d’autoroutes pour décongestionner le trafic. Il va créer une série de maquettes géantes dans lesquelles le visiteur est promené dans un petit train qui va lui déterminer sa vitesse, sa direction. Le visiteur n’a plus de liberté, il ne choisit rien. Finalement, le FUTURAMA montre les limites de l’expérience. L’idée était de rendre actif le visiteur. Dans ce type d’installation, le public est passif et subit les directions du parcours. Tout est imposé.
L’exposition « zapping » :
Dans les années 50-60, les gens commencent à se méfier de ces parcours imposés, qui finalement, gère autoritairement leur direction et axe leur regard sur des points bien précis. BAYER tentait de réunir le corps et l’esprit, d’autres designers au contraire, vont défaire ce lien.
Dans les années 60-70, Charles et Ray EAMES vont développer un autre type de montage : la surcharge d’informations, un kaléidoscope, la où BAYER cherchait la succession. Leur principe est d’apporter au visiteur une profusion d’éléments qu’ils ne vont certainement pas pouvoir maîtriser mais qu’ils vont automatiquement recomposer et saisir ainsi certains points de vues qu’ils auront choisis. C’est l’inverse de BAYER, le visiteur choisi où il va poser son regard et où il va se diriger. La différence avec BAYER, c’est que le visiteur va lui-même créer le montage. Et finalement, ce type d’installation amène à une notion connue qui est le zapping. Le visiteur choisi ce qu’il veut regarder, et le temps qu’il va mettre pour parcourir l’exposition.
Le texte fait ressortir une confrontation, entre les circulations imposées et celles qui sont plus libre, choisi par le visiteur lui-même.
Créer une logique de discours, un fil d’idées à travers des éléments se succédant logiquement amène t-il forcement à un parcours imposé ?
Et Comment créer une exposition cohérente avec une suite d’éléments logique sans pour autant imposer un parcours et une réflexion au visiteur?
LUGON, Olivier, 2000 : Des cheminements de pensée, in Oublier l’exposition – ArtPress 21, p16.
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