MOULIN, Raymonde, 1997 : Le marché et le musée – L’art contemporain international, in L’artiste, l’institution et le marché, Ed. Champs Flammarion, p45.
MOULIN, Raymonde, 1997 : Le marché et le musée – L’art contemporain international, in L’artiste, l’institution et le marché, Ed. Champs Flammarion, p45.
Le label « contemporain » est un label international. C’est un marché économique en interaction avec le champ culturel (évaluations esthétiques et reconnaissances sociales).
Le marché de l’art contemporain repose sur plusieurs réseaux internationaux : celui des galeries, des collectionneurs, des institutions artistiques.
LE MARCHE INTERNATIONAL
Il existe 2 types de marché :
Le marché de l’art classé : fondée sur l’éternité, il s’inscrit sur un temps long.
Le marché de l’art actuel : incertain, indéfini, basé sur le « tourbillon innovateur perpétuel ». Ce marché s’inscrit sur des temps courts avec un renouvellement continu. Pour que cela fonctionne, il faut un espace d’action socialement et géographiquement élargi. Ici, la multitude d’idéologie et le renouvellement des mouvements artistiques ne permettent pas un réel jugement esthétique.
LES GALERIES LEADERS
L’art contemporain s’organise autour de galeries leaders qui peuvent imposer de nouveaux produits et fixer leurs prix.
Ces galeries leaders, au sens économique, ont la capacité de mobiliser un important réseau de galeries, au niveau international afin de promouvoir un même mouvement artistique ou assurer l’exclusivité internationale de la vente des œuvres d’un artiste. Elles sont capables de mettre en œuvre toute une stratégie de promotion (techniques du marketing commercial) pour une meilleure diffusion culturelle. Très souvent, les marchands préfèrent s’associer avec ces leaders plutôt que d’être en compétition.
Elles entretiennent tout un réseau culturel de relation avec des musées du monde entier, des collectionneurs, des marchands, des artistes et critiques d’art afin de contrôler tout le marché.
Elles peuvent ainsi fixer la tendance dominante du marché de l’art et ont ainsi le monopole. Elles sont en permanence à la recherche de nouveaux artistes à promouvoir dont leurs travaux susciteraient une reconnaissance ultérieure.
Léo CASTELLI est un représentant type des leaders du marché américain et international. Il a promu plusieurs grands artistes (RAUSCHENBERG, JOHNS, STELLA, WARHOL…) et mouvements (pop art, minimal art, concept art…). Il est à la recherche de nouveaux artistes qui vont avoir de l’importance dans le futur.
LES GRANDS COLLECTIONNEURS
Les grands collectionneurs possèdent plus d’une centaine d’oeuvres. Ils ont un grand pouvoir sur le marché de l’art parce qu’ils cumulent plusieurs fonctions (découvreurs, promoteurs, commanditaires, acquéreurs, vendeurs). Ce sont des agents économiques avec des moyens financiers important et des acteurs culturels très actifs sur le marché.
Ex : Peter LUDWIG (allemand), Comte Panza DI BIUMO (italien), Charles SAATCHI (Anglais)
Ils utilisent plusieurs stratégies pour acquérir des œuvres qui vont prendre de la valeur, notamment être au courant des futures expositions qui vont avoir lieu et acquérir les œuvres dans le pays d’origine de l’artiste bien avant l’exposition. Tout ceci nécessite des contacts privilégiés avec le monde culturel ( directeurs de musée, critiques d’art, conservateurs, artistes…).
Il existe plusieurs types de grands collectionneurs :
ceux qui achètent beaucoup et ne revendent pas. Ils attendent que leurs œuvres prennent de la valeur.
ceux qui achètent et revendent. Ils se situent dans la position de marchand.
et ceux qui se situent entre les 2.
Les grands collectionneurs gèrent leur collection et leur revente suivant les parts du marché, les changements des goûts… Lorsqu’ils revendent, beaucoup rêvent de léguer à la postérité un musée en leur nom, pour éviter la dispersion de leur bien. En attendant, ils prêtent à court ou long terme à des musées, organisent des expositions itinérantes ou encore ouvrent leur collection au public s’ils en ont la possibilité.
Par leur arbitrage, ils exercent une influence sur la sélection des artistes et le déroulement de leur carrière. Ils doivent gagner sur le pari esthétique et sur la valeur financière des œuvres.
Plusieurs problèmes résultent de ces transactions, notamment la collaboration entre artiste/collectionneur/musée. L’acquisition des œuvres d’un collectionneur se fait avec un contrat entre l’artiste et lui-même. La cessation d’une collection à un musée pose les problèmes des droits de l’artiste. Le passage d’oeuvre d’art à chef d’oeuvre de grands prix peut-il s’accomplir sans le consentement et la collaboration de l’artiste ?
Pourquoi les musées achètent-ils des collections privées ?
LE MARCHE SECONDAIRE
Ce marché secondaire échappe totalement à l’artiste et aux galeries. C’est l’anarchie des reventes. On a une accélération de la circulation des œuvres et les écarts entre les prix (celui d’acquisition et des reventes) augmentent.
2 systèmes de marché sont mis en évidence :
Celui des marchands/entrepreneurs avec les galeristes. Ce 1er marché fonctionne avec les grands collectionneurs. Il a un aspect culturel important.
Celui des marchands/négociants. L’aspect économique prend le dessus sur l’aspect culturel. Avec eux, on retrouve des conseillers en investissement artistique, des agents d’art et des collectionneurs privés (hommes d’affaires, financiers, promoteurs immobiliers, producteur ou acteur de cinéma…).
Les ventes aux enchères et les foires sont les lieux du marché secondaire. Les ventes sont rapides et les prix montent très vite. Quelques fois, ces ventes sont médiatisées et l’on arrive à des records de prix.
LE RÉSEAU CULTUREL INTERNATIONAL
A partir de 1960, les gouvernements et les disciplines artistiques ont contribué à favoriser la communication avec un public socialement élargi. On cherche à démocratiser l’art contemporain afin de rendre les nouveautés artistiques plus accessibles au public.
MANIFESTATIONS INTERNATIONALES
Ces manifestations internationales marquent le rendez-vous du monde cosmopolitain de l’art contemporain (marchands, critiques, conservateurs, artistes, collectionneurs…). Elles sont subventionnées par les pouvoirs publics.
Ces manifestations s’organisent de 2 manières :
les 1ères sont des manifestations périodiques en un lieu donné ( la Biennale de Venise, la Documenta de Cassel)
les 2ndes sont des expositions internationales exceptionnelles sur un thème donné (A New Spirit in Painting )
Sans compter les rivalités esthétiques, économiques ou nationales, ces manifestations sont des moments de sociabilité artistique, de lieux d’échanges de l’information.
C’est ici que s’élaborent les bilans et perspectives sur l’art contemporain. Il s’établit alors, des palmarès des valeurs esthétiques et un compte rendu, diffusé internationalement dans des revues spécialisées, retranscrit l’information artistique. Ainsi, on aboutit à une uniformisation de l’art.
On s’aperçoit vite que finalement très peu de personnes construise la scène artistique (commissaires d’exposition, commentateurs, critiques d’art, conservateurs…) au total moins de 50 personnes…
MUSEES D’ART CONTEMPORAIN
Les musées d’art contemporain sont les œuvres architecturales de notre temps, après les cathédrales, les palais et les gares. Leur nombre est en augmentation de 5% tous les ans.
Les Musées d’Art Contemporain sont tous différents (statut juridique privé/public, importance, politique artistique menée par leurs directeurs…).
A un certain moment, les musées ont cherché à être beaucoup plus rentable en diversifiant les publics. Aujourd’hui, les directeurs de musées ont tendance à accueillir les innovations et font des acquisitions qui les valorisent dans le monde international des musées.
Aujourd’hui, les personnages les plus décisifs sur le marché sont le conservateur (homme très au courant de ce qui se passe dans le monde) qui a le monopole du pouvoir culturel et le marchand qui a le monopole économique. Ces 2 acteurs cherchent à travailler ensemble sur le marché afin d’avoir un meilleur contrôle sur la valeur esthétique et économique des oeuvres.
LES VALEURS ARTISTIQUES
Comment évoluent les relations entre marché et champ culturel selon les types d’art ?
Comment, suivant ces différents arts, acteurs culturels et acteurs économiques entrent-ils en interaction tout au long du procès de constitution des valeurs esthétiques ?
ART ORIENTE VERS LE MUSÉE
En Europe puis aux Etats-Unis, les musées se sont adaptés dans la mise en espace et la mise en valeur des nouveaux arts « sans œuvres » ( au moment des Arts Pauvres, Arts minimaliste, Land Art, Body Art, Performances, Art conceptuel où l’idée prime sur la réalisation).
C’est alors qu’apparaissent les expositions faites in situ. L’artiste est payé pour réaliser une œuvre pour le musée. Les prix sont ceux du musée, sûrement inférieur à un prix privé mais généralement la taille des œuvres ne permettent pas aux particuliers d’acheter. Ces pièces uniques invendables supposent des musées ou des espaces publics pour les accueillir.
Les galeries, elles, ne vendent que les dessins préparatoires ou les constats ( photos, films, croquis).
ART ORIENTE VERS LE MARCHE
Cet art est soumis à un succès rapide et à des spéculations financières. Les œuvres transitent d’une collection à une autre en prenant de la valeur. La réussite commerciale précède la reconnaissance par la critique. Il a une analogie entre art-biz et show-biz. Beaucoup de marketing, de publicité autour d’un artiste fait grimper les prix.
Il existe une véritable starification des artistes. Ils paraissent non seulement sur des revues spécialisées mais aussi sur des revues de modes, de décoration. Ces succès éphémères sont souvent suivis d’un déclassement rapide.
Les œuvres sont très différentes les unes des autres. Les artistes appartiennent à des pays et des générations diverses.
Il n’existe pas de séparation entre l’art orienté vers le marché et l’art orienté vers les musées. C’est le même art qui transite.
L’ALTERNANCE DES MOUVEMENTS ARTISTIQUES
Il existe une réelle alternance des mouvements artistiques.
2 champs artistiques s’affrontent, se succèdent :
La dématérialisation de l’art : art minimal, art conceptuel, arte povera, land art. Plusieurs années après, le « néo-post conceptual art », «néo-pop art », « post-abstraction »…… Et entre ces périodes, le retour à l’offensive des images.
Certains estiment que la succession des mouvements se fait à un rythme quinquennal et que le renouvellement artistique serait le pur produit du marché.
LE PALMARÈS ET LA COTE : L’EXEMPLE DU KUNST
Se pose le problème d’évaluer la valeur esthétique comme base de prévision financière. L’une des tentatives est le Kunst Kompass, dont le fondateur est Willy BONGARD.
Principe : établir une échelle de notoriété des artistes équivalent à une échelle objective de la valeur esthétique. Le rang occupé par l’artiste ne dépendant pas du nombre ou du prix des œuvres vendues.
Méthode : évaluer le degré de reconnaissance d’un artiste pendant une période donnée.
Cette méthode prend en compte plusieurs indicateurs : les grandes collections privées, les principaux ouvrages et périodiques consacrés à l’art contemporain, les musées directeurs, les expositions personnelles de l’artiste, sa participation à des expositions collectives… Un certain nombre de points est donné à chaque indicateur et la somme obtenue correspond à un rang.
Les 100 artistes qui ont le plus de points sont cités dans le top des 100 et publiés chaque année dans la revue Capital. Tous les artistes sont représentés, quelle que soit la nature de leurs travaux.
CONCLUSION
Plusieurs problèmes apparaissent :
Comment définir la valeur d’une œuvre sachant la valeur esthétique et son prix ne sont pas dissociables. L’un dépend de l’autre. Si une œuvre a une valeur esthétique, elle va être l’occasion d’une vente et une opération commerciale réussie induit un jugement esthétique…
D’autre part, la place d’un artiste dans le réseau international des expositions et des collections dépend de sa galerie et du capital financier et culturel dont elle dispose.
Finalement, on s’aperçoit très vite que seuls quelques acteurs (économiques et culturels) contribuent à la définition, à la hiérarchisation des valeurs esthétiques et à la réputation des artistes.
MOULIN, Raymonde, 1997 : Le marché et le musée – L’art contemporain international, in L’artiste, l’institution et le marché, Ed. Champs Flammarion, p45.
|