BUREN, Daniel, 2002 : La retrospective qui n’existait pas, in Techniques et architecture , 461, p58.

SAINT GERMAIN Louis

BUREN, Daniel, 2002 : La retrospective qui n’existait pas, in Techniques et architecture , 461, p58.

DANIEL BUREN titre sur la façade du CENTRE GEORGES POMPIDOU « le musée qui n’existait pas ». On pouvait attendre une rétrospective. Or Buren utilise comme socle ce bâtiment passé de la provocation architecturale à l’institution culturelle. L’installation camoufle la signalétique du hall de panneaux blancs, cadres rainurés, descend façon parking au sol et ricoche en bannières sur le skyline parisien “.

L’artiste a prévu ainsi d’intervenir en trois temps : dans le lieu de l’exposition, dans l’ensemble du bâtiment, dans la ville alentour.

Toutes actions de sa part ne pourraient être comprises sans avoir analyser auparavant la notion d’action sur place, de “in situ“. Il fait parti des artistes précurseurs qui mis au point ce concept de travail, qui pourrait être défini comme une intervention intrinsèquement liée au lieu, aux spécificités topologiques et culturelles du lieu dans lequel elle se trouve. Dans cette optique, BUREN procède toujours à une analyse du lieu dans lequel il place ses bandes, en révélant ces particularités les plus significatives et les moins visibles.

Ses bandes, fameux module de 8.7 cm, sont un module fabriqué industriellement, ce qui répond a ses désirs d’objectivité et lui permet d’accentuer le caractère impersonnel de son travail. Il considère ces procédés comme des “instruments pour voir“, tel une sorte d’outil visuel. Elles permettent de regarder d’un œil neuf l’architecture, l’environnement. La citation « Je n’expose pas des bandes rayées mais des bandes rayées dans un certain contexte » reflète bien l’implication et la force du lieu dans ses réalisations. « J’imprime et je me plie… »pourraient êtres les deux verbes résument la logique de l’artiste. En pratique, dans le cadre du centre Pompidou, c’est sa trame structurelle et la mesure de 8.7 qui définissent la grille d’interaction.

En résultante, “ce musée qui n’existait pas, c’est un labyrinthe coloré, ludique, joyeux, fait pour partie de 61 alvéoles de 30m2, dans lesquelles on perds avec jubilation la notion de l’espace et du temps. Un “musée” dans lequel on se perd en gardant ses repères car les cellules ouvrent toutes sur d’autres ou sur l’extérieur, la lumière y entre, on aperçoit d’autres visiteurs plus loin, et l’osmose lieu/installation se produit” (L’EXPRESS).

Tout est mis en place pour donner une infinité de points de vue aux visiteurs, qu’ils aient déjà des clefs pour comprendre les œuvres ou qu’ils soient néophytes.

Dans cet environnement à pictural, ce qui frappe, c’est la posture du visiteur. Il est entouré, il parcourt, il est baigné dans un espace où couleurs et décors se substituent à la paroi. BUREN remet ici en cause « la position frontale et quasiment unique où la peinture place le spectateur ». C’est la question de la connaissance/reconnaissance qui est au cœur de tout regard sur l’art et la culture, le recouvrement entre ce qui est vu et ce qui est su, quels relations et attitudes adopter.

L’artiste ne donne pas ici de réponse franche mais institue plutôt des pistes de réponses par rapport a la lecture propre de ses créations. Dans la relation œuvre/spectateur ce qui lui importe serait « qu’il y ait une idée, une cohérence. Des faits objectifs, contrôlables ». Pour lui, « sans logique, l’œuvre n’apparaît pas ».

Il s’attache ainsi a procurer au spectateur deux registres d’accès à l’œuvre: d’une part «une perception immédiate » et de l’autre « des clefs qui permettraient d’avoir un accès plus riche à la connaissance de l’œuvre ». Le dispositif du CENTRE POMPIDOU relève de cette dialectique de l’immédiat et du reconnu.

Bien que l’installation ne puisse être, pour BUREN, reconnu comme du domaine de l’architectonique, il reconnaît cependant certaines similitudes dans la démarche. Cette approche particulière de la lecture d’une création, de sa relation avec le lieu, la culture et le spectateur, est une piste pour une réalisation archi. Elle permet de se poser des questions sur les interrelations entre projet et contexte au sens large du therme.

BUREN, Daniel, 2002 : La retrospective qui n’existait pas, in Techniques et architecture , 461, p58.