BAUDIN, Antoine; FREY, Pierre, 2005 : Modern Architecture and Design: The Alberto Sartoris Collection. Objects from the Vitra Design Museum, LAUSANNE, Editions EPFL Press, et Editions WEIL AM RHEIN, VITRA DESIGN MUSEUM, 224p.

FONTANA Laure

BAUDIN, Antoine; FREY, Pierre, 2005 : Modern Architecture and Design: The Alberto Sartoris Collection. Objects from the Vitra Design Museum, LAUSANNE, Editions EPFL Press, et Editions WEIL AM RHEIN, VITRA DESIGN MUSEUM, 224p.

L’architecture s’inscrit dans un contexte, dans un lieu, elle est pensée pour fonctionner dans un site donné et demeurer ainsi sans bouger jusqu’à ce que les événements en décident autrement. Pour les plus chanceux d’entre nous il est souvent facile de visiter ces nombreuses architectures en tout genre (maisons, musées, bibliothèques, églises, immeubles de bureaux…), de se faire une opinion personnelle de ce qu’elles évoquent, de ce qu’elles nous font ressentir quand on les arpentent, quand on les vit. Cependant devant l’incapacité humaine à les arpenter toutes et afin de diffuser leurs renommés dans le monde entier, la photographie est apparue dès les années 1920 comme le medium le plus à même à répondre à cette volonté. Mais le paradoxe est grand. En effet elle « fixe à jamais l’image des objets photographiés». Une photographie n’est pas neutre. Son concepteur y expose son point de vue, choisissant de faire ressortir un détail plutôt qu’un autre, une atmosphère qu’il aurait pu percevoir durant sa visite, une particularité forte du projet qui lui aurait sauté aux yeux, ou même simplement son humeur qui jouera sur son appréhension des lieux. Il ressort donc toujours d’une photographie d’architecture ou autre, un état d’esprit. Même avec la plus grande volonté du monde, les images que nous produisons ne sont qu’un reflet de la réalité. Cela s’applique à notre échelle dans la réalisation des documents graphiques pour nos projets. Ainsi une perspective va donner une image globale du bâtiment, mais va aussi inclure notre point de vue, l’atmosphère qu’on aimerait créer dans ce lieu.

Le texte que j’ai étudié porte sur l’architecte italo-suisse ALBERTO SARTORIS. Né en 1901 et mort en 1998 cet homme propagantiste important du mouvement moderne s’appliqua pendant sa carrière à collecter, classer, trier et publier des centaines de photographies représentatives de l’essor de ce mouvement moderne à travers le monde entre 1932 et 1957.

Le succès considérable de ce « corpus photographique » qui engendra la création de plusieurs livres en a fait une référence pour les militants de la modernité à travers le monde.

Ainsi SARTORIS publia six anthologies visuelles aujourd’hui mythiques : les trois éditions progressivement augmentées des Elementi dell’architettura funzionale (1932-1941), puis les trois volumes de l’Encyclopédie de l’architecture nouvelle (1948-1957) qui oscillent tous entre militantisme et désir encyclopédique. Cette réalisation éditoriale jamais égalée regroupe près de 2000 œuvres présentant les travaux de près de 650 architectes du monde entier des plus connus (LE CORBUSIER, LUIS BARRAGAN) au moins médiatisés. Dans ces ouvrages, le rapport architecture/photographie est clairement mit en évidence. A une époque où la photographie tente de s’imposer en medium autonome à part entière, elle détient ici une fonction prioritairement documentaire sans pour autant oublier ses valeurs esthétiques.

On comprend pour la première fois l’importance de la photographie pour les architectes qui ne va qu’ augmenter « au rythme de la diffusion internationale de leurs œuvres » Ainsi les bâtiments ne seront « connus et diffusés qu’à travers une séquence unique réalisée a un moment précis » On y oublie le caractère mouvant de l’architecture, sa capacité à muter en adéquation avec les éléments qui l’entourent. L’image de l’architecture y est perturbée. Comme si ce recueil de photographies pouvait servir de propagande culturelle, pouvait promouvoir un certain style moderne rationnel et fonctionnaliste, une façon de penser qui paraîtrait universelle car c’est ce que toutes les photographies choisies laisseraient retranscrire. Cependant on oublie que les photographies ne reflètent pas toujours la réalité, qu’on peut leur faire dire ce qu’on désire.

On est donc en présence d’un « vaste répertoire d’images de qualité où puiseront nombre de chercheurs à l’heure ou se constitue l’historiographie du mouvement moderne ». Cependant ce n’est pas pour cela que les photographes sont reconnus à cette époque comme le montre cette phrase de le Corbusier qui s’adresse au photographe d’un de ses bâtiments : « En ce qui concerne les photographies de mes oeuvres (et non des vôtres) je ne requiers de vous qu’un service de nature industrielle“. SARTORIS lui-même refuse d’octroyer à la photographie le statut d’art moderne, ne lui laissant même aucune place dans le « musée contemporain » dont il « décrit la structure idéale pour le congrès de Sarraz organisé en 1932 ». Aucune preuve démontre un intérêt autre que documentaire porté à toutes les photographies qu’il collecta durant sa vie. La photographie est donc perçut avant tout comme un diffuseur de l’image de la modernité de l’époque à travers le monde et non comme une pratique à part entière qui ne fait pas que retranscrire une image d’un bâtiment ou autre mais qui l’interprète.

BAUDIN, Antoine; FREY, Pierre, 2005 : Modern Architecture and Design: The Alberto Sartoris Collection. Objects from the Vitra Design Museum, LAUSANNE, Editions EPFL Press, et Editions WEIL AM RHEIN, VITRA DESIGN MUSEUM, 224p.

SARTORIS, Alberto, 1932 : Eglise de LOURTIER, VALSI, SUISSE.

DEL MORAL, Enrique, 1955 : Marché de la Merced, MEXICO, MEXIQUE.

LE CORBUSIER, 1926 : Villa Stein de Monzies, GARCHES, FRANCE.