TATI, Jacques, 1967 : Playtime, film, FRANCE, 126′.
SEVRE Julie TATI, Jacques, 1967 : Playtime, film, FRANCE, 126′.
L’HISTOIRE Le film commence dans l’aéroport d’Orly où un groupe d’américaines débarquent pour visiter Paris dans le cadre d’un voyage organisé. Le groupe découvre, d’abord en bus, Paris, un Paris futuriste, très moderne, où les rues sont toutes bordées de grands immeubles de béton, de verre et d’acier. Les américaines à peine descendues de leur bus, le film se concentre sur M. Hulot, entrant dans un gigantesque immeuble de bureaux dans lequel il a rendez-vous avec un homme qu’il ne parviendra jamais à rencontrer, se perdant dans l’immensité de ce labyrinthe de bureaux. Égaré, il se retrouve dans une exposition d’inventions futuristes (un balai équipé de phares et une porte totalement silencieuse par exemple) où le groupe de touristes s’est aussi rendu. La journée passe, les bureaux commencent à fermer, le groupe reprend sa visite à pied et en bus et M. Hulot monte dans un bus pour arriver dans une rue où il croisera, en fin de journée, un ami de l’armée qui l’invite dans son appartement, appartement située en rez-de-chaussée d’un immeuble vitré ou chaque habitation présente une grande baie vitrée sans rideaux et des équipements très modernes visibles depuis la rue, de même que les habitants.
Les américaines rentrent à l’hôtel se préparer puis vont dîner au Royal Garden, restaurant inauguré le soir même dont les travaux ne sont pas réellement terminés (les ouvriers se retrouvent retranchés aux cuisines dès l’arrivée des premiers clients) ; et tous ces détails de finition à revoir vont rythmer toute la soirée qui va dégénérer au fur et à mesure que la clientèle, M. Hulot y compris, arrive en nombre trop important pour l’équipe pas encore rodée. Au matin, les noctambules vont boire un café dans l’immeuble voisin où ils se mêlent avec les ouvriers de cette nouvelle journée qui commence. M. Hulot et une américaine vont ensuite se promener tous les deux dans Paris mais cette dernière est déjà obligée de reprendre le bus pour l’aéroport. Le film s’achève sur le manège des voitures et des bus sur un rond-point où Paris, ses habitants, ses travailleurs, ses immeubles, reprennent vie pour une nouvelle journée.
COMPLEMENTS Jacques Tati a tourné Playtime entre 1964 et 1967. Le film s’organise autour de séquences dans lesquelles les mêmes personnages vont passer, se croiser, se rencontrer, en particulier M. Hulot et une américaine du groupe touristique. Les dialogues sont relégués au second plan, ne participant pas réellement à la compréhension du film, se réduisant quelques fois à des onomatopées et la bande-son, les bruitages deviennent très importants, chaque bruit recréé exacerbe la réalité de la scène dans un effet comique. Le film a été tourné en 70 mm, ce qui permet à Jacques Tati de cadrer les grands ensembles architecturaux présents tout au long du film, l’aéroport, les immeubles de verre, pour en montrer l’échelle par rapport à l’homme dans cette société ultramoderne. Dans ce Paris futuriste, l’anglais se mélange au français, snack, supermarket et drugstore prennent place en ville, de même, les personnages du film dialoguent souvent en anglais. Avec ces grands immeubles froids et impersonnels, la volonté de Jacques Tati était de faire un satire du modernisme pour montrer que le progrès ne doit pas être aussi déshumanisé. La ville de Tati a des proportions gigantesques, les lignes de ses immeubles sont belles et pures. La ville est « orgueilleuse, démesurée, contraignante, propre, et autoritaire » dans la géométrie et le gigantisme de son architecture et de nombreuses scènes tout au long du film sont des métaphores de cela. Les espaces extérieurs des rues et les espaces intérieurs des immeubles sont très géométriques, sur des plans carrés, en volume et en plan, avec des lignes parallèles et perpendiculaires induisant des perspectives importantes et canalisant complètement le déplacements des personnages dans un ordre rectiligne et maîtrisé. Le mobilier urbain ainsi que domestique est décliné partout (même fauteuil dans les immeubles, les habitations) dans une volonté de montrer encore une fois la globalisation, d’uniformisation de la société. Le verre présent partout permet d’effacer la limite entre l’intérieur et l’extérieur (quelques scènes jouent sur cette absence de limite entre un personnage dedans et un personnage dehors qui communiquent), et permet aussi de jouer avec les reflets, les lieux mythiques de Paris n’apparaissant qu’en reflet éphémère dans une porte vitrée qui s’ouvre. Les commerces aux noms anglais se trouvent tous au rez-de-chaussée des immeubles avec de grandes façades vitrées, tout est desservi par de nombreux arrêts de bus, la population semble à son aise dans cette ville ultramoderne et impersonnelle par une adaptabilité étrange de nos us et coutumes usuels.
TATI, Jacques, 1967 : Playtime, film, FRANCE, 126′.
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