MANGIN, David (2010) : La ville franchisée, Formes et structures de la ville contemporaine, Editions de La Villette
Le terme de franchise énonçait au moyen age l’idée d’exception juridique et politique, l’idée de territoire libre. Aujourd’hui il raisonne comme globalisation, uniformisation, mondialisation. Les franchises contemporaines envahissent le paysage et le vocabulaire, « on trouve ses repères dans un paysage jalonné de marques, on connaît les couleurs dès le plus jeune age (…) » Mais l’idée de franchise ou d’uniformisation va au delà de ces premiers principes. En montrant les formes franchisés au delà des simples constructions des groupes commerciaux et industriels qui dessinent les paysages de nos entrées de ville, cet ouvrage désigne ceux qui font la ville, les politiques, les géomètres maître d’œuvre des lotissements à raquettes, en passant par les industriels, les architectes etc. Il donne à voir les origines de l’urbanisme de secteur qui a engendré au XX siècle les non lieux que les tracés de routes, et autres gestes urbanistiques ont laissé derrière eux. David MANGIN parle de ces lieux comme des vides programmés. Ces vides programmés sont aussi le résultat de l’accumulation de normes, de prévention des risques, de règlement d’urbanisme, de catastrophes… Les règles qui cadrent notre quotidien causent d’autres dysfonctionnements encore, elles tuent la singularité et l’innovation. L’auteur invite à construire avec le risque si le lieu y gagne par la question : « Combien de voies et d’espace attendent la crue centennale ? » Il fait état des constats sur la ville dédié à la voiture, qui exclut parfois encore les autres modes de transports… Pourtant les idées de ville centrée sur l’homme existaient déjà hier. L’idée de l’urbanisme décomplexé qui « au nom de la bonne économie et des libertés individuelles » a manger les terres nourricière des villages en périphérie urbaine et a massacré l’image des entrées de ville par des boites de bardage porte enseigne avait pour opposition d’autres modèles de société, comme celui de Franck Lloyd WRIGHT qui pensait un urbanisme qui voulait faire bénéficier à l’homme des aménités de la nature. URBANISME DE SECTEURS David MANGIN compare le piéton et l’automobile dans leur espace approprié et montre que cette dernière parcoure bien plus rapidement un secteur, qu’un piéton traverse un faubourg. Chandigarh est un exemple majeur de cet urbanisme, la ville elle même ne se divise pas en quartier avec des noms qui évoquent une histoire, mais par des numéros que LE CORBUSIER a poser dans des rectangles. David MANGIN, remémore que dans cette ville les relations entre secteur étaient problématiques dès la création de cette ville. Aujourd’hui, Chandigarh parait uniforme sur les grands boulevards, les voies, les ronds points. Les arbres semblent être tous les mêmes. La diversification se joue simplement au cœur des secteurs. En FRANCE, les secteurs sont des zones industrielles, des zones pavillonnaires, des zones commerciales, des cités de barres de logements sociaux repoussées au delà des périphériques. La priorité à la vitesse a généré les nouveaux remparts urbains incarnés par des grands boulevards de ceinture infranchissables qui rejettent au delà de l’enceinte des centres villes, les populations les plus modeste comme le montre l’exemple de BRON-PARRILLY. Et paradoxalement, dans cette même agglomération, quand certain subissent l’enclavement urbain, d’autre le choisissent dans des morceaux de ville privatisé comme le montre le quartier CONFLUENCE de LYON. MAISONS INDIVIDUELLES ET LOTISSEMENTS Le succès de la maison individuelle dans les années 70 est du au fait d’une incitation des classes moyennes par l’état qui se dégageait progressivement du secteur locatif. Cette politique a réduit la maison à un produit patrimonial et financier. Ces maisons individuelles sont pour la grande majorité implantées en lotissement dans des zones en périphérie d’agglomération. L’auteur explique que les lotissements sont créés dans sans le concours d’architectes dans la majorité des cas et par des professionnels non formé aux principes de l’urbanisme comme les mairies, les agences immobilières, les géomètres et les promoteurs. La conséquence est que ces maîtres d’œuvre conçoivent « l’urbanité » sur des mêmes modèles « franchisés » sur l’ensemble du territoire avec des maisons sur catalogue. La réflexion n’a pas toujours sa place ! Aujourd’hui devant l’impossibilité de densifier ces zones urbaines, les maires multiplient les lotissements les uns après les autres. Enfin, pour les villes et villages qui construisent ces lotissements le casse tête se joue dans la course entre démographie scolaire, et nouveaux lotissements. Ils voient disparaître peu à peu leur agriculture, importent des produits d’ailleurs dans des supermarchés, élèves leurs animaux en batterie et se transforment en ville dortoir. Bienvenue dans le meilleurs des mondes. 3 SCÉNARII?, 2 POSSIBILITÉS “L’urbanisme du réel” ou du laissé faire consiste à poursuivre l’étalement urbain et le développement de la voiture, qui s’alimente l’un l’autre dans une échange de bon procédé. Les produits immobiliers sont vendus clef en main, les responsabilités sont transférées du public au privé, et les règles de rentabilité et de privatisation des villes opèrent. “L’urbanisme du fantasme” serait un urbanisme vertueux et écologique qui favoriserait les transports en commun et les modes doux, en renforçant les poches urbaines près des gares. Mais cette idée reste de l’ordre du fantasme, car nous devons faire avec un contexte existant qui interdira encore pendant longtemps cette idée de ville sans voiture. “L’urbanisme du possible” consiste à optimiser les contraintes de déplacements et à inventer des formes urbaines moins productrices de dépendances automobiles et d’enclavements. Il vise à rendre l’homme moins nomade dans son quotidien en lui proposant activités, travail, etc, à proximité du lieu d’habitation. Mais on ne peut considérer uniquement la temporalité et la mobilité pour établir un projet urbain, on doit également intégrer les pouvoirs publics et garder l’humilité et un recul nécessaire pour penser le projet urbain, car chaque époque est porteuse d’idéaux. Idéaux qui ne doivent pas nous rendre aveugle. En critiquant le passé, nous ne devons pas oublier que les choix qui nous ont mené à l’impasse de l’urbanisme du réel ont été à leur époque des idéaux de société qui collaient au contexte qui les a vu naître. DUMAS P.
MANGIN, David (2010) : La ville franchisée, Formes et structures de la ville contemporaine, Editions de La Villette ASCHER, François (2005) : La société hypermoderne : ces événements nous dépassent, feignons d’en être les organisateurs, Edition de l’Aube, Essai-2005 . CHARMES, Eric (2011) : La ville émiettée, PUF, 2011. MASBOUNGI, Ariella; BOURDIN, Alain (2004) : Un urbanisme des modes de vie ,PARIS : Ed. du Moniteur, 2004 , 96 p. MAURIN, Eric (2004) : Le ghetto français. Enquête sur le séparatisme social, PARIS, Seuil, coll. « La République des idées », 2004. |