BOYLE, Danny, 2009 : Slumdog Millionaire, film, 120′.MEIRELLES, Fernando, & LUND, Katya, 2002 : La Cité de Dieu, film, BRESIL, 135′.FERRÉZ, 2009 : Manuel Pratique de la Haine, Éditions Anacaona.
BOYLE, Danny, 2009 : Slumdog Millionaire, film, 120′.
MEIRELLES, Fernando, & LUND, Katya, 2002 : La Cité de Dieu, film, BRESIL, 135′.
SLUMDOG MILLIONAIRE
Slumdog Millionaire est un film réalisé en 2008 par le britannique Danny BOYLE et coréalisé par Loveleen TANDAN. C’est une adaptation du roman « Les Fabuleuses Aventures d’un Indien malchanceux qui devint milliardaire » de Vikas SWARUP. Slumdog peut être traduit par « le chien des bidonvilles ». Le film raconte l’histoire de Jamal MALIK, issu des bidonvilles de BOMBAY qui se trouve sur le point de gagner l’émission de télé « Qui veut gagner des millions ? ».
La caméra illustre avec des flashbacks les étapes de sa vie, qui le poussent à répondre correctement au questionnaire de l’animateur.
A cause de cette réussite, il subit, au poste de police, un interrogatoire où il est accusé de tricherie : « Comment une racaille du bidonville peut elle être assez instruite pour devenir millionnaire ? ».
Jamal MALIK ne participe pas à l’émission pour l’argent, mais il veut se servir de la popularité médiatique pour augmenter ses chances de retrouver Latika, qu’il aime depuis l’enfance.
ANALYSE :
Les premiers mots du film sont : Jamal MALIK est parvenu jusqu’à la question à vingt millions de roupies.
Comment a-t-il fait ? A. Triché B. Chance C. Génie D. C’était écrit
Cette question met en perspective le conflit qui oppose société et téléréalité.
Le concept d’un jeu au gain immédiat où chaque joueur a la possibilité de modifier son présent, réforme les fondements établis par la société.
C’est renoncer à l’économie d’une organisation sociale et politique basée sur des valeurs d’hérédité, des principes religieux, culturels, moraux, ou intellectuels.
Susceptible de changer sa position sociale, l’individu rompt avec la filiation héréditaire. Il n’a plus la vocation à perpétuer, à faire perdurer le modèle, à l’obéissance des règles et des lois subies par un groupe social.
L’argent immédiat s’oppose à l’idée d’un argent vertueux où l’on établit un lien entre l’argent et l’effort. L’argent dépasse sa valeur de troc, d’échange pour le culte du Prince. Le mythe du Millionnaire fait rêver ; notre imagination place l’individu en dehors de la masse dans une reconnaissance singulière où il est affranchi de sa fonction de servir la communauté.
BOYLE, Danny, 2009 : Slumdog Millionaire, film, 120′.
Ce mythe qui façonne l’émission de télévision s’attache aussi à conduire Jamal MALIK à retrouver l’être aimé. La télévision déverse ces deux idéologies et mobilise l’auditeur ; les familles, les groupes, les communautés, le pays, les nations dans un même désir d’imagination.
La réalité virtuelle révèle la réalité de l’homme.
Le spectateur est engagé dans la même envie, le même refus de la défaite possible de Jamal MALIK . Le processus d’identification produit une scission de l’individualité au profit d’une perception collective : l’effervescence, le désir, l’envie, l’ovation.
Reproduire spontanément le même modèle, comme si son bonheur passait par le mien. Dans cet enracinement on mesure, on présuppose, les espoirs, les envies, les dépassements de chacun.
MEIRELLES, Fernando, & LUND, Katya, 2002 : La Cité de Dieu, film, BRESIL, 135′.
LA CITE DE DIEU
En 2002 « La cité de Dieu » est réalisée par le cinéaste brésilien Fernando MEIRELLES d’après le livre de Paulo LINS publié en 1997.
La cité de Dieu est une favela de RIO DE JANEIRO. En 1960, le gouvernement l’alloue à des familles sans toit qui espèrent y trouver le paradis.
Un gamin nommé Como BUSCAPÉ qui rêve de devenir photographe, nous narre la vie de la cité. La population adolescente commence à s’organiser en bandes. Progressivement, les adolescents passent du petit larcin au pillage.
Chacun des voyous est entraîné dans une spirale. Les bandes s’organisent, tuent, pillent. Le crime se transforme en un monde structuré qui contrôle la cité. Les enjeux du fric des armes et de la drogue font régner des représailles sanglantes qui institutionnalisent un véritable climat de terreur dans la cité de Dieu.
La justice n’a plus de sens ; la police cohabite avec les gangs et une corruption gangrène la favela. La régression de la favela devient plus dramatique quand les mômes sont enrôlés pour participer à la guerre entre gangs.
Como BUSCAPÉ est devenu journaliste photographe. Il montre le dernier affrontement entre les deux bandes rivales. Les enfants à peine âgés de 7 ans sont subjugués par la violence. Ils ne respectent plus les lois de la favela ni de leurs aînés. Hors de contrôle, ils prennent le pouvoir et simulent la réalité comme dans un jeu pour « être un homme ».
ANALYSE :
La narration autobiographique du photographe Como BUSCAPÉ témoigne des étapes qui ont été le signe annonciateur du désastre final.
L’élément déclencheur est re situé en raison d’un sentiment d’injustice et d’inégalité. La société n’incarne plus l’intérêt général. La fracture est elle entre les aspirations et les possibilités de les atteindre qu’elle est ressentie comme une souffrance par les adolescents.
Ils décident donc de construire leur nouveau monde. Ils esquissent un système d’organisation qui se mêle et se superpose ouvertement à la ville. Ils ont leurs codes, leur culture, leur morale.
Ils s’approprient la rue et changent graduellement la géographie de la ville en établissant de nouvelles limites territoriales. Leur présence dans la ville s’affirme par une réalité économique défiant l’ordre social : drogue, armes, prostitution.
L’espace urbain n’a plus d’urbanité. L’autorité publique est soudoyée et laisse s’établir une identité urbaine faite de banditisme et de règlements de compte.
Au fur et à mesure, tout est contrôlé et organisé par les gangs. Les caïds établissent leurs règles : les hommes et les enfants sont enrôlés dans leur guerre urbaine. Tout doit être sacrifié au gang ; il est le seul repère, le seul arbitre.
Como BUSCAPÉ précise dans sa narration « La vie dans la favela était déjà un purgatoire, c’était devenu l’enfer ». Cet univers fermé est dénoncé par un remue ménage médiatique. Les gangs prennent conscience que les interviews données sont une chance d’asseoir leur autorité.
Au travers des faits relatés publiquement, la police est contrainte d’intervenir dans la guerre des gangs. Cette intervention régulatrice crée un déséquilibre qui aboutit à la prise du pouvoir par les enfants des rues.
Cette prise de pouvoir est perçue comme un ultime châtiment. L’image de la ville est définitivement livrée à des petits criminels sans modèle, sans éducation, sans croyances, sans moralité, sans règles.
FERRÉZ, 2009 : Manuel Pratique de la Haine, Éditions Anacaona.
MANUEL PRATIQUE DE LA HAINE
« Manuel pratique de la haine » est écrit en 1975 par l’écrivain brésilien FERREZ. Sous le ciel pollué de Sao PAULO une population vit sans grande perspective d’avenir. Les destins de Régis, du Magicien, de Lúcio la Foi, de Neguinho et Aninha semblent figés dans la pauvreté, le chômage et la faim. La délinquance, la drogue, le racisme, la violence urbaine et la corruption alimentent une économie souterraine qui confirme aux yeux de cette génération d’adolescents que l’avenir ne s’apprend pas à l’école mais se construit dans la rue.
C’est une rupture avec les valeurs scolaires, parentales et sociétales, pour compenser le sentiment d’affection. L’attachement au groupe est d’autant plus fort.
Le besoin d’argent les amène au grand banditisme. L’attaque d’une banque dont ils se partagent le butin confère à chacun le pouvoir d’exalter un rêve social, un rêve d’amour, un rêve de maison, un rêve de famille.
Mais Régis brise les rêves de chacun en provoquant leur mort. Il a besoin de leur part du butin, pour soudoyer le commissaire Mendonça et pour payer la rançon de son fils kidnappé par son rival « Beau-gosse ».
Le troc entre Régis et « Beau-gosse » tourne à la tuerie. Seul son fils Ricardo en sortira vivant.
“Encapuchonné, un ouvrier de l’État, populairement appelé Nettoyeur, décide si le gamin vivra ou pas, même si la réponse fut négative pour les trente-quatre autres qu’il a précédemment tués, il fait semblant de pouvoir encore décider et le visage du petit enfant en face de lui révèle un effroi total, les yeux écarquillés, les pupilles dilatées, les larmes contenues et séchées dans la rétine ne font pas la moindre différence pour le spoliateur de vies autrefois décoré par l’État, aujourd’hui encouragé par le présentateur du programme policier qui affirme d’une voie imposante que tout est de la faute des célèbres bandits.
Le nettoyeur, sorte de juge accepté par des parents qui d’identifient à ceux de l’enfant condamné, est encouragé tous les jours, il a encore à l’esprit les dernières paroles de l’animateur, il a les scènes gravées dans sa mémoire, la scène où cette femme de soixante douze ans ramasse les fruits et les légumes jetés à l’extérieur des entrepôts du GEAGESP, ou bien cette famille entière qui mange de la citrouille à tous les repas parce qu’un camion a eu un accident à côté de chez-eux et qu’ils ont pris ce qui était tombé, en l’occurrence des citrouilles, il a gravé toutes ces images, et le présentateur qui criait avec véhémence- Et les bandits là bas, le ventre plein ! Et les travailleurs qui crèvent la faim ! Et les autres en prison, le ventre plein !
Il arme son fusil, il est accepté par le petit peuple opprimé qu’il juge et qu’il condamne, il se souvient de ce qu’on lui assène depuis des années, que c’est de leur faute à eux, la race inférieure, la race qui vole, qui séquestre, la race qui tue, la race qui ne suit pas les lois de Dieu, la race qui doit être exterminée.
Ce que Valdinei dos Santos Silva ignore, c’est que le présentateur gagne 200 000 reais par mois pour accuser quelqu’un, ce que Valdinei , simple nettoyeur, ne sait pas non plus, c’est que ce même présentateur a travaillé dans la chaîne de télévision qui a le plus contribué à la misère de son peuple, ce que Valdinei, simple justicier , ne sait toujours pas, c’est que ce présentateur a lui aussi volé lorsqu’il gérait l’entreprise de son père, mais quand l’élite vole, ce n’est pas de la fauche, c’est du détournement, c’est un malentendu, c’est de la mauvaise gestion, c’est une maladie qu’il convient de traiter dans des cliniques.”
Extrait de FERRÉZ, 2009 : Manuel Pratique de la Haine, Éditions Anacaona, page 149.
ANALYSE :
Le livre de FERREZ est basé sur des faits et des personnages réels. L’écriture se fait le reflet de la conscience des personnages en témoignant de leur façon de penser et de percevoir leur quotidien.
La réalité laisse défiler la routine d’un quotidien à la consistance banale ; une porte qui se ferme, une bière qui se boit, la télé, une cigarette. Et puis soudain les rêves pénètrent et occupent leur tête ; une famille idéale, un petit déjeuner au lit, un endroit au minimum pour être heureux.
Il nous suffit de quelques lignes pour franchir la frontière qui sépare nos vies si différentes.
ROTHLISBERGER O.
SWARUP, Vikas, 2006 : Les Fabuleuses Aventures d’un Indien malchanceux qui devint milliardaire, Editions Belfond, 2006. BOYLE, Danny, 2009 : Slumdog Millionaire, film, 120′. MEIRELLES, Fernando, & LUND, Katya, 2002 : La Cité de Dieu, film, BRESIL, 135′. FERRÉZ, 2009 : Manuel Pratique de la Haine, Éditions Anacaona. |