MASBOUNGI, Ariella, 2009 : La question du projet urbain dans les villes européennes, in Cours Publics 2009-2010, conférence, Chaillot, PARIS, 15 avril 2009.


FOUR, Pierre-Alain, 2011 : L’événement, la fête, le festival : repenser les politiques culturelles et territoriales, GrandLyon, Lyon, 40 p.

DE L’ÉPHÉMÈRE POUR DURER :

L’« ÉVÉNEMENT » ET LES PROJETS URBAINS DE TERRITOIRE

En matière d’« événement », dans une perspective de clarification et stabilisation de mon propos, je me référerais tout d’abord à la définition suivante : ce qui advient, ce qui arrive à une date et en un lieu précis ; « l’événement est classiquement individualisé comme ce qui segmente la continuité du temps historique et inaugure un changement dans l’ordre des choses »

(DELACROIX 2003).


GRAVARI-BARBAS, Maria; JACQUOT, Sébastien, 2007 : L’événement, outil de légitimation de projets urbains : l’instrumentalisation des espaces et des temporalités événementiels à Lille et Gênes, Géocarrefor, 82/31 , 1-16.

Maintenant, analyser l’« événement » dans les travaux d’Ariella MASBOUNGI – spécialement sa conférence au Palais de Chaillot le 15 avril 2010 (MASBOUNGI 2010) et secondairement son dernier ouvrage collectif sous sa direction traitant de la représentation de la « ville » (MASBOUNGI 2010) – relève finalement plus de la question des projets urbains des villes européennes galvanisées (ou non) par un événement que de sa fabrique ou que de la représentation de ceux-ci.

En effet, comme le signale HAËNTJENS (2010), le changement de paradigme urbain, accéléré par la vérité de l’environnement, s’opposant à la planification urbaine héritière de la Charte d’Athènes, conduit à une approche stratégique des territoires dont les projets urbains sont les vecteurs, les porteurs d’une vision, à des échelles, par ailleurs, de plus en plus vastes.



MASBOUNGI, Ariella, 2010 : La question du projet urbain dans les villes européennes , in : Cours Publics 2009-2010, conférence, Chaillot, Paris, 15 avril 2010.

C’est ainsi que dans le contexte de la décentralisation, les événements – festivals et fêtes –, qui avaient permis de développer l’intervention publique dans le domaine culturel, sont devenus aujourd’hui un mode de renouvellement des politiques des collectivités territoriales bien au-delà du champ culturel : dans l’économie, l’aménagement, le social… (FOUR 2011).

L’« événement » ne serait donc plus uniquement un « moment » – une échéance – consommant des ressources budgétaires mais un outil opérationnel contribuant à la régénération ubaine par des projets urbains, stimulant l’« urbanité » en s’appuyant sur la tradition, participant à l’dentification d’un territoire (FOUR 2011). Pour GAVARI-BARBAS & JACQUOT (2007), dans le contexte de la concurrence économique internationnale entre les villes, les grands événements (Jeux olympiques, G8, Mondial de football et, dans une moindre mesure, Capitales européennes de la culture : C.E.C.) visent surtout à positionner les villes pour y « attirer des investiseurs, à mener à bien de grandes transformations urbaines grâce à de nouvelles infrastructures, à créer du consensus et à mobiliser une part non négligeable de la population urbaine ».

Ces événements sont donc des outils de promotion et de gouvernance territoriales qui ne sont pas du tout spontanés puisque décidés plusieurs années à l’avance.

Selon ces auteurs, se fondant sur leur analyse de GÊNES et de LILLE, cette maîtrise du temps festif suivant quatre registres temporels : l’attente de l’événement, l’urgence due à l’échéance, la volonté de capitaliser après l’événement puis la mise en récit dans l’histoire urbaine, constituerait finalement un instrument de maîtrise de l’espace.

Une telle maîtrise permet de conduire de multiples projets urbains – parfois controversés ou n’ayant peu de rapport avec la nature de l’événement.

L’événement fonctionnerait alors comme un facilitateur de projets au service d’une vision de la ville : à GÊNES l’urbanisme événementiel s’est focalisé sur le port et le centre historique, les « instaurant en espace vitrine de la ville » ; à LILLE il a permis de « consolider les périphéries lilloises ». L’événement resterait ainsi un outil de légitimation politique, des acteurs ainsi que de leur vision pour leur ville (GAVARI-BARBAS & JACQUOT 2007).

Enfin, l’événement qui impose une échéance requiert une mise en scène, parfois spectaculaire, de manifestations qui lui sont associées ou non, par exemple les éléphants à NANTES (HAËNTJENS comm. pers.) car comme le rappelle BACHELARD cité par HAËNTJENS (2010) : « Notre appartenance au monde des images est plus forte, plus constitutive de notre être que notre appartenance au monde des idées. »

A l’instar de GÊNES avec l’exposition Colombianes en 1992 (500 ème anniversaire de la « découverte » des Amériques), le G8 en 2001 et GENOVA 2004 (C.E.C.) ainsi que de LILLE 2004 (C.E.C.) puis LILLE 3000 avec une programmation événementielle tous les deux ans (L’ANNÉE DE L’INDE et BOMBAYSERS avec les éléphants en 2006 puis celle de l’Europe orientale en 2008), de très nombreuses autres villes ont vu leurs projets urbains d’envergure également portés par des évènements : BARCELONE qui le fit d’une façon novatrice avec les J.O. de 1992, constituant aujourd’hui la référence ; MANCHESTER (C.E.C.) ; CARDIFF (C.E.C.)…

Un contre exemple est, toutefois, fourni par VALENCIA qui développa un projet de rénovation portuaire fondé sur la COUPE DE L’AMERICA mais qui ne réussit pas à se repositionner sur le GRAND PRIX DE FORMULE 1 – une fois la coupe déplacée à SAN DIEGO (HAËNTJENS comm. pers.).

Cependant, l’« événement » avec son échéance n’est pas l’unique moyen d’initier des projets urbains ambitieux.

Des villes ont également été mises en visibilité, en lumière par d’autres leviers tels que la catastrophe de nature économique pour BILBAO, MANCHESTER et LIVERPOOL – ainsi que GÊNES dans une certaine mesure au début puique les villes C.E.C. sont souvent des villes en difficulté économiques à l’origine –, l’attractivité et le désir de changer d’échelle à NANTES, la revitalisation urbaine et culturelle pour BIRMINGHAM, l’art contemporain à SAINT-NAZAIRE, les infrastructures à SAINT-DENIS, l’écologie avec le Emsher Park en Allemagne, l’espace public pour BORDEAUX… (MASBOUNGI 2010).





MASBOUNGI, Ariella, 2010 : La question du projet urbain dans les villes européennes , in : Cours Publics 2009-2010, conférence, Chaillot, Paris, 15 avril 2010.


A l’évidence, en matière de projets urbains et architecturaux d’envergure, il convient de ne surtout pas oublier le XIXème siècle et le début du XXème quand ce n’était pas des collectivités locales mais des Etats nationaux qui exploitaient des événement pour une mise scène de leur pouvoir. C’est ainsi que les expositions universelles, premières manifestations laïques très grand public, avaient avant tout pour fonction de « magnifier la civilisation [d’attester de la puissance] du pays organisateur et par delà, ses instances dirigeantes » (FOUR 2011).

Mais ce sont souvent les villes qui en ont tiré ensuite des avantages en matière d’image à partir de projets architecturaux associés – d’une architecture résolument moderne. On peut citer : le CRYSTAL PALACE de Hyde Park conçu à LONDRES par Joseph PAXTON pour la première EXPOSITION UNIVERSELLE en 1851, mais cette oeuvre, démontée puis déplacée, fut détruite par un incendie en 1936 (RAGON 1986) ; la TOUR EIFFEL pour PARIS ; l’ATOMIUM à BRUXELLES ; le SPACE NEEDLE à SEATTLE ; la BIOSPHÈRE à MONTRÉAL ; le PAVILLON CHINOIS à SHANGHAÏ…

Surtout, il convient de rappeler que ces expositions furent également l’occasion de mettre en oeuvre de vastes projets urbains tels que le métro à PARIS en 1900 et à MONTRÉAL en 1967 ou son extension à LISBONNE en 1998… (FOUR 2011).

LAURENT L.

 

 

DELACROIX, Christian, 2003 : Evénement in : LÉVY P. et LUSSAULT J., Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés, Belin, Paris, 352-653.

FOUR, Pierre-Alain, 2011 : L’événement, la fête, le festival : repenser les politiques culturelles et territoriales, GrandLyon, Lyon, 40 p.

GRAVARI-BARBAS, Maria; JACQUOT, Sébastien, 2007 : L’événement, outil de légitimation de projets urbains : l’instrumentalisation des espaces et des temporalités événementiels à Lille et Gênes, Géocarrefor, 82/31 , 1-16.

HAËNTJENS, Jean, 2008 : Le pouvoir des villes ou l’art de rendre désirable le développment durable, L’Aube, la Tour d’Aigues, 160 p.

HAËNTJENS, Jean, 2010 : De la planification urbaine à l’urbanisme stratégique, Urbanisme, dossier Théories-pratiques, 372 pp.47-50.

MASBOUNGI, Ariella, 2010 : La question du projet urbain dans les villes européennes , in : Cours Publics 2009-2010, conférence, Chaillot, Paris, 15 avril 2010.

MASBOUNGI, Ariella, 2010 : Dessine-moi une ville, Le Moniteur Éditions, Collection Projet Urbain, 175p.

RAGON, Michel, 1986 : Histoire de l’architecture et de l’urbanisme modernes, tome 1, collection Points, Casterman, Paris, 374 p.