Giorgio GRASSI.

A bientôt 76 ans Giorgio GRASSI peut apprécier son parcours accompli d’homme à la perpétuelle recherche de vérité. Après avoir étudié à l’ÉCOLE POLYTECHNIQUE DE MILAN, il obtient son diplôme en 1960. Il enseigne dans plusieurs universités en ITALIE, en ESPAGNE, puis en SUISSE. A partir de 1977 il assurera un poste de professeur de composition architecturale à la faculté d’architecture de MILAN.

 


 

Pour étudier la pensée de Giorgio GRASSI, j’ai choisi principalement la lecture du livre “L’architecture comme métier“, constitué d’un recueil de cours, ou de conférences effectués de 1966 à 1978.

 

 

“C’est en se confrontant aux thèmes de son expérience historique que l’architecture peut raisonnablement rivaliser avec celle-ci, et devenir une référence concrète dans la vie quotidienne.”

 

 

 

L’après-guerre, les 20 années de fascisme de l’Italie sont l’occasion d’une relecture de la pensée architecturale pour G.GRASSI. Il appuie ses démonstrations sur la critique du mouvement moderne. Il s’y réfère sans cesse pour étayer sa pensée de l’architecture. En FRANCE, il faudra attendre les années 70 pour voir des discours affirmant l’autonomie de pensée.

 

La biographie de G.GRASSI s’est déroulée pour l’essentiel en dehors des mécanismes du professionnalisme, avec une volonté d’unir le travail du projet et l’enseignement

Préface de Xavier MAVERTI.

 

Séduit par TESSENOW (architecte allemand 1876-1950) pour sa modestie d’intervention, et sa minutie “d’artisan“, guidé par l’idée fixe de HILBERSEIMER (architecte allemand 1885-1967)obsédé par le développement de la ville verticale, bousculé par les interventions de OUD (architecte néerlandais 1890-1963 du mouvement DE STIJL), convaincu par le dépouillement intégral défendu par LOOS (architecte autrichien 1870-1933), Giorgio GRASSI développe une pensée qui prône la pureté du métier. “Pour lui l’architecture rurale serait une architecture vernaculaire épurée“.

 

Dans son recueil de texte, il aborde les caractères de l’habitation dans les villes allemandes, s’intéressant particulièrement au SIEDLUNG (quartiers, ou habitats bon marché de l’entre deux geurre). Développant les différentes typologies de l’habitat, il énumère les solutions existantes en réaction au mouvement moderne.

 

Son analyse de l’habitat français révèle “combien le renouveau formel se conçoit toujours dans l’observation rationnelle des conditions réelles de la ville.

 

 

Après une introduction à la théorie urbaine de HILBERSEIMER où il rappelle le concept de “ville verticale“, G.GRASSI répond à la question: “comment l’analyse architecturale peut-elle être conçue comme élément du projet?

 

Il s’interroge ensuite sur la décoration, parlant de “modénature de plasticien” apte à souligner le sens de l’édifice.

 

Abordant son travail sur la restauration du château d’ABBIATEGRASSO (1971), G.GRASSI écrit : «le monument est maître: quand la ville avec son architecture se mesure aux oeuvres de son passé.»

 

Il développe ensuite une étude sur l’architecture de FRANCFORT (1972), balayant les thèmes les plus divers mais fondateurs comme l’importance des espaces verts, l’eau dans la cité, la dimension européenne de la ville.

 

Analysant sur le plan historique le rapport entre les normes techniques de réalisation des villes et les normes d’architecture, il révèle l’absolu dépendance des unes vers les autres.

 

TESSENOW est son maître de pensée lorsqu’il commence son texte “l’architecture comme métier” en 1974. Abordant l’architecture comme un “fait” collectif, TESSENOW se confronte au mouvement moderne, donnant toujours l’impression d’être à la limite du lieu commun.

 

Pour TESSENOW, la solution architecturale la plus évidente, d’où il faut toujours partir, est aussi la plus proche de la certitude“.

 

Construisant sa pensée de jeune architecte (il a 39 ans) G.GRASSI affirme alors sa démarche conceptuelle, son idée du métier en répondant à de nombreuses questions sur la mémoire et le projet.

 

L’architecture se replie continuellement sur elle-même, dans son ensemble systémique et insensé. Elle exprime la volonté de se constituer comme un système complet qui trouve cependant dans la nature son unique lieu de comparaison. Le travail patient de l’architecture n’exclut pas que cette exigence d’un système complet se manifeste: provocatrice et humiliante, exaltante et contradictoire. La capacité de dépasser le côté obscur de l’histoire de la ville a sa véritable raison dans cette confrontation.

La ville est dans son ensemble un défi à cet incomparable modèle formel.

La cité idéale, conquête parfaite du rationnel, et la ville fantastique, expression des limites de la cité idéale, sont le signe du défi périodique, sur tous les domaines, au monde achevés de formes, à la nature.

Le caractère dynamique de ces tentatives est dû précisément à cette provocation qui nous permet de comprendre que la ville est ainsi, belle ou laide, en raison d’une décision ou d’une incapacité purement formelle.

 

Après l’architecture de HILBERSEIMER où il souligne la précision des réponses apportées par celui-ci aux questionnement architecturale, G.GRASSI termine par “le projet d’une petite maison“. Il explique que le désir de maison, de propriété est le reflet de l’échec de la ville telle que conçue aujourd’hui. “La maison individuelle est un aspect d’une crise ayant frappée la ville “.

 

L’oeuvre de Giorgio GRASSI est intimement liée à son enseignement. Les réalisations célèbres comme celle de la rénovation du théâtre de SAGUNTO en Espagne qui illustre complètement son idée sur la mémoire d’un lieu, cette idée de départ, son amour du travail artisanal. Son architecture se lit aisément. Elle devient ici un paysage vierge où chacun peut y jouer ce qu’il veut, comme on le fait dans un théâtre.

Malgré une écriture un peu chargée, la lecture de ce livre m’a permis d’apprécier une autre pensée de l’architecture, soucieuse de la trace du passé, du lieu, de l’histoire.

J’ai compris combien il était capital de s’immerger dans un espace-temps avant de proposer une réponse à la question architecturale. La modestie du geste, l’effacement presque de l’intervention vont dans le sens de cette réflexion. Le caractère “manuel” de l’approche de l’architecte sur son projet me plaît dans la mesure où G.GRASSI assimile parfaitement les phases, tel un artisan.

 

 

GRILLET Y.

 

GRASSI, Giorgio, 1980 : Giorgio Grassi.Progetti per la città antica, Federico Motta, MILANO, 1995.

GRASSI, Giorgio, 1967 : La costruzione logica dell’architettura, Marsilio, PADOVA, 1967.