WENDERS, Wim, 1973 : Alice dans les villes, film, ALLEMAGNE, 110’.WENDERS, Wim, 1975 : Faux mouvements, film, ALLEMAGNE, 103’.WENDERS, Wim, 1976 : Au fil du temps, film, ALLEMAGNE, 175’.

Ces trois films souvent présentés comme une «trilogie du voyage» ont de nombreux points en commun.

Rüdiger VOGLER est l’acteur principal dans les trois films (acteur fétiche de Wim WENDERS), il incarne des personnages ayant pour point commun la solitude, les métiers artistiques, la recherche d’une identité au fil des déplacements, aux degrés variables mais toujours présents de névrose. Il incarne:

Philippe dans Alice dans les villes, un journaliste qui n’arrive pas à écrire mais qui prend des polaroïds,

Wilhelm dans Faux Mouvement, un homme névrosé qui veut devenir écrivain mais qui n’arrive pas à écrire et qui doit quitter sa mère et sa ville natale qu’il n’a jamais quittées pour s’en sortir.

Bruno WINTER dans Au fil du temps, un réparateur de projecteurs dans les cinémas de village qui vit dans son camping-car.


WENDERS, Wim, 1973 : Alice dans les villes, film, ALLEMAGNE, 110′.

MOUVEMENT

La rencontre avec ce personnage que l’on suit est toujours le point de départ d’une aventure. Son déplacement est à la fois géographique mais surtout le récit d’une quête d’identité. On peut parler pour les trois films de road-movies, bien que le mot road soit réducteur. En effet les personnages se déplacent de multiples manières. Tous les modes de transports s’enchaînent comme autant de moyens de rencontrer d’autres personnages, et de se rechercher. Ils prennent – dans l’ordre au fil des films- le bus, la voiture américaine, le métro aérien de NYC, le taxi, l’ascenseur, l’avion, le bateau mouche, le train suspendu, une 4L Renault, une barge pour les voitures, le train…(Alice) le vélo, le bus, le train (compartiment restaurant), la voiture à 5, la promenade, l’ascenseur, le métro souterrain, la barge, la voiture, le funiculaire de haute montagne…(Faux Mouvements), La coccinelle, le camion aménagé de manière quasi continue entrecoupé d’ auto tamponneuses, de side-car, de barque, de train…(Au fil du temps) Les personnages sont constamment en mouvement, en errance…La caméra accompagne ses mouvements par les travellings, les allers-retours de cadrage entre ce qui est vu depuis les transports par les personnages ou depuis le véhicule lui même, les plans larges qui montrent le mode de déplacement dans son contexte et son paysage…

RELATIONS AUX TITRES

Alice dans les villes, se déroule à travers les pays et les villes: Amérique, NEW YORK, AMSTERDAM, et tous les noms des villes et villages d’ALLEMAGNE explorés à la recherche de la grand-mère d’Alice.

Faux Mouvements: le déplacement physique des personnages est réel mais la quête des personnages échoue. «Au sommet j’attendis un événement comme on attend un miracle, j’eus l’impression d’avoir manqué quelque chose et de toujours manquer de quelques chose à chaque nouveau mouvement».


WENDERS, Wim, 1975 : Faux mouvements, film, ALLEMAGNE, 103′.

SOLITUDES ET RENCONTRES

Les personnages finissent souvent par se suivre sans but précis, ou de manière non raisonnée (la quête de la grand-mère d’Alice). Ils ont été blessés par la vie, se sont séparé d’une personne (la mère d’Alice ou Robert), ont eu un décès abrupt (la mère de Robert, la femme de l’oncle suicidaire qui s’est pendue, la femme morte de homme qui est rentrée dans un arbre…) qui les ont rendu fous ou suicidaires, ou les ont détachés de la réalité. Ces personnages avec fêlures acceptent alors plus facilement une rencontre, de suivre un inconnu, pour avancer ensemble sans attente particulière. La rencontre de Bruno et de Robert dans Au fil du temps donne naissance à une réelle amitié, ils se séparent mais se retrouvent constamment. La rencontre d’Alice et de Philippe qui commence dans le tourniquet de l’aéroport est également très forte, les personnages apprennent à se connaître par le dialogue mais aussi à travers le silence ou la musique. La solitude est par ailleurs plusieurs fois évoquée à travers les discussions des personnages «il y a une solitude en Allemagne, plus cachée, plus douloureuse» dit l’oncle suicidaire de Faux Mouvements.

MÉMOIRE

La mémoire est une thématique récurrente de cette trilogie de films notamment à travers la nostalgie des personnages: les parcours des personnages apparaissent toujours petit à petit. On devine, on présume, on ajoute les bribes de conversation – le silence et la musique tiennent plus de place que les conversations- pour recomposer l’histoire et pourquoi les personnages deviennent ce qu’ils sont, et en viennent à se suivre. Le passé des personnages ressurgis toujours à un moment. Les relations familiales, de l’enfance sont traités de manière répétée. Alice, a peur d’être abandonnée par sa mère, sa grand- mère ne vit plus où elle était. La mère de Wilhem engage son fils à s’éloigner, il dit au début de son périple : «Plus tard, ailleurs, je réussirais d’autant mieux à me souvenir d’elle comme si elle devait s’éloigner pour cela…je me mis à envisager l’avenir. Pendant ce voyage je voulais en apprendre plus sur moi même.».

Bruno Winter retourne sur les traces de son enfance sur une île dans Au fil du temps: il dit à son ami Robert «Je suis content d’être retourné vers le bas du Rhin, c’est la première fois que je me vois comme quelqu’un qui a vécu un certain temps et ce temps c’est mon histoire. C’est réconfortant.»

Robert de son côté renoue avec son père et le souvenir de l’imprimerie. La scène des petits bateau de papier journal fabriqués par des enfants symbolise la nostalgie d’une enfance et d’une relation.

L’histoire de l’ALLEMAGNE transparaît également en filigrane, l’époque nazi avec le personnage de Laertes ancien nazi, l’oncle suicidaire de Faux mouvements parle de l’ALLEMAGNE à pusieurs reprises: «la peur est l’âme morte de l’A.»

Ou la séparation de l’ALLEMAGNE DE L’EST et DE L’OUEST lorsqu’ils se déplacent le long de la frontière qui sépare alors l’ALLEMAGNE DE L’OUEST de la RDA dans Au fil du temps, ou encore le déclin industriel des plusieurs régions autour du Rhin, dans la vallée de la Ruhr: des usines vides, des mines désaffectées, des maisons abandonnées, des paysages et des villages déserts renforcent la solitude des personnages et sont les décors récurrents des trois films.

Le cinéma de village, projetant des films d’auteurs disparaissent eux aussi, au profit de salles modernes. Pourtant la scène du théâtre d’ombres à cause d’une panne de haut-parleur dans une école rappelle que les enfants ont besoin de peu de choses pour rire. Le cinéma est pourtant «l’art de la vue, mon père voulait conserver un cinéma mais pas dans une telle époque». La période de crise d’après-guerre- l’ALLEMAGNE qui tente de se relever- mais aussi la crise mondiale pétrolière, constitue un pays lui aussi en quête d’identité.


WENDERS, Wim, 1976 : Au fil du temps, film, ALLEMAGNE, 175′.

TEMPS

Les indications de temps sont nombreuse: horloges des lieux de transit traversés (gares, aéroport, stations, motel…), ou dans Au fil du temps l’alternance du jour et de la nuit. Pourtant on perd vite la notion de durée. Depuis combien de temps sont-ils partis, on se laisse porter par l’errance.

Relations aux titres : Au fil du temps évoque le fil et le déroulement de la vie.

Pour ce qui est du synopsis des films, je vous laisse voyager par vous même…

DE GOUY S.

 

WENDERS, Wim, 1973 : Alice dans les villes, film, ALLEMAGNE, 110′.

WENDERS, Wim, 1975 : Faux mouvements, film, ALLEMAGNE, 103′.

WENDERS, Wim, 1976 : Au fil du temps, film, ALLEMAGNE, 175′.