KOOLHAAS, Rem, ZENGHELIS, Elia & ZENGHELIS, Zoé, 1972 : Exodus ou les prisonniers volontaires de l’architecture.
KOOLHAAS, Rem Né en 1944 à Rotterdam (Hollande). Vit et travaille à ROTTERDAM et LONDRES (GRANDE-BRETAGNE).
D’abord journaliste et scénariste de films, Rem KOOLHAAS étudie à l’ARCHITECTURAL ASSOCIATION SCHOOL de LONDRES de 1968 à 1972. En 1970, il élabore Le mur de Berlin comme architecture et en 1972 avec Elia et Zoé ZENGHELIS, le projet théorique Exodus ou les prisonniers volontaires de l’architecture.
De 1973 à 1976, il vit principalement à NEW YORK où il commence à rédiger le livre qui analysera l’impact de la culture métropolitaine sur l’architecture, New York Délire : Un manifeste rétroactif pour Manhattan qui paraîtra en 1978, à NEW YORK, LONDRES et PARIS. Il enseigne en même temps à la COLUMBIA UNIVERSITY et à l’UCLA.
Exodus, or the Voluntary Prisoners of Architecture, est une série de dix-huit dessins, aquarelles et collages, animé par un texte qui est lu comme un scénario. Produits par Rem KOOLHAAS, Madelon VREISENDORP, Elia ZENGHELIS et Zoe ZENGHELIS, c’est un projet développé dans un contexte d’enseignement, où Rem KOOLHAAS s’est intéressé de près à la question du symbolisme en architecture pour la métropole contemporaine.
Ce story-board pictographique, dense, reflète les différents jobs précédents que KOOLHAAS a exercés auparavant, journaliste, scénariste…
Le titre Exodus (l’Exode) se rapporte à la Guerre froide, au mur de Berlin, une enclave limitée encerclée par un mur en vigueur, une prison à l’échelle d’une métropole et celui dans lequel les gens(le peuple) ont cherché un refuge volontairement.
D’après lui, la ville contemporaine impose une séparation drastique entre la substance architecturale d’un bâtiment – sa forme, sa matérialité, son détail – et le sens.
S’il est vrai que l’on conçoit toujours l’architecture comme porteuse de significations, peut-être aujourd’hui plus que jamais, ce sens n’est certes pas généré par le recours à un modèle ou par l’application de règles de composition.
C’est plutôt la simple présence de l’architecture dans la ville qui produit du sens, la condition clé de sa lisibilité étant la taille d’un bâtiment plutôt que sa forme spécifique ou la qualité de sa conception. Cette présence stimule une forme d’appropriation frénétique du symbole qui, ultimement, n’est plus en lien avec la forme architecturale : le simple fait qu’un édifice existe dans la ville peut induire ce mouvement.
Exodus, fiction architecturale, propose une longue avenue enclavée au cœur de LONDRES, où des prisonniers volontaires goûtent sans limite aux plaisirs de l’architecture. Les bâtiments qui forment cette longue bande apparaissent, depuis l’extérieur pour ceux qui échappent à l’emprise de l’architecture, comme autant de monuments austères. A l’intérieur, c’est un flot continu de fureur ornementale et de délire décoratif, “une overdose de symboles” qui vous enveloppe. Mais cet intérieur est totalement coupé de la ville.
Dans la ville réelle, l’architecture est devenue muette.
Exodus est une fable qui illustre un phénomène que Koolhaas perçoit comme étant global. L’architecture semble attirée de façon incontournable vers sa seule substance, tendant ainsi vers la monumentalité ; l’échelle des bâtiments qui forment la ville provoque à elle seule une surenchère inévitable de significations architecturales.
Cependant, les mécanismes, les activités et les institutions qui confèrent à l’architecture un sens (comme à toute chose d’ailleurs) se développent et évoluent à un autre rythme, à une vitesse qui dépasse largement les capacités d’adaptation de l’architecture.
Il en résulte un processus hautement instable. L’architecture de grande dimension est nécessairement symbolique, mais dépourvue d’un sens fixe ou déterminé : à la limite, son sens survient indépendamment de sa forme ou de son apparence, puisque cette signification est déterminée par ce qui peut survenir dedans ou autour de ce qui est « grand «.
Pour KOOLHAAS, les processus de signification propres à l’architecture ont depuis longtemps disparu, confinant le design architectural dans la fureur ornementale, vidé de sa moelle.
Suggère-t-il, avec certains de ses contemporains, une deuxième mort de l’architecture ?
Ou évoque-t-il plutôt un stade intermédiaire qui laissent planer l’éventualité de la mort tout comme la possibilité du retour ?
Cette condition problématique du sens en architecture pourrait bien être ce qui le fait osciller, dans sa propre pratique, comme nombre d’entre nous, entre l’architecture et les livres.
Ce projet a été en fin de compte le catalyseur pour KOOLHAAS et ses collaborateurs, pour la formation de son Bureau ” O.M.A” OFFICE FOR METROPOLITAN ARCHITECTURE.
BERTOLLA R.
KOOLHAAS, Rem, 1978 : Delirious New York : A retroactive Manifesto, Oxford University Press, NEW YORK. KOOLHAAS, Rem, ZENGHELIS, Elia & ZENGHELIS, Zoé, 1972 : Exodus ou les prisonniers volontaires de l’architecture. KOOLHAAS, Rem, ZENGHELIS, Elia & ZENGHELIS, Zoé, 1977 : Exodus, or the voluntary prisoners of architecture, in OMA (Rem Koolhaas, Madelon Vriesendorp, Elia Zenghelis and Zoe Zenghelis) in Manhattan, in AD Profile 5 (OMA in Manhattan) Architectural Design vol.47 no.5 1977, p.315-362. |