SUPERSTUDIO, 1969 : Le monument continu : un modèle architectural pour une urbanisation totale.

SUPERSTUDIO est un groupe d’architectes qui fut fondé en 1966 à Florence par Adolfo NATALINI et Cristiano TORALDO DI FRANCIA et dissout une dizaine d’année plus tard.

Le groupe réalisa notamment des éléments de mobilier mais surtout fut remarqué pour sa publication de photomontages mettant en scène non pas les édifices d’un projet réellement commandité mais d’ordre fictionnel.


CONTEXTE HISTORIQUE

POP ET ANNÉES 60

Comme leur contemporains, Yona FRIEDMAN, ARCHIZOOM, les japonais métabolistes, ils partent d’un constat d’échec de la ville moderne à concrétiser l’épanouissement social et culturel des individus.

Cette remise en cause se traduit par des explorations imagées et scenarisées autour de thèmes récurrents :

rapport à la vie individuelle et collective (vie semi-autonome et nomade, apport ponctuel au groupe ou au monde existant, ARCHIGRAM),

rapport à la science et la technologie (quasi omniprésence des artefacts (ARCHIGRAM) et de la megastructure comme base de développement chez FRIEDMAN, ARCHIZOOM)

rapport à l’environnement existant urbain et naturel : il est conservé intact, on vient s’y plugger (intervention en lévitation; sous cloche), sa dimension chaotique est acceptée.

Ces images ont plus valeur de matière à réflexion, de support à débat, en vue de repenser la ville et la manière de la

produire qu’un désir de mise en application tel-quel, mais semblent jouer de cette double interprétation possibles.

Bien qu’elles soient parfois drôles, enthousiastes et brutales, d’une certaine façon, elles préfiguraient les interrogations d’aujourd’hui (mondialisation des réseaux et communications virtuelles, flux migratoires, variations démographiques, et extensions urbaines, événementiels)



SUPERSTUDIO ET LA REMISE EN CAUSE DE L’ARCHITECTURE

FAILLITE DE L’UTOPIE MODERNE

NATALINI écrivait en 1971 :

« …si le design est plutôt une incitation à consommer, alors nous devons rejeter le design ; si l’architecture sert plutôt à codifier le modèle bourgeois de société et de propriété, alors nous devons rejeter l’architecture ; si l’architecture et l’urbanisme sont plutôt la formalisation des divisions sociales injustes actuelles, alors nous devons rejeter l’urbanisation et ses villes… jusqu’à ce que tout acte de design ait pour but de rencontrer les besoins primordiaux. D’ici là, le design doit disparaître. Nous pouvons vivre sans architecture. «

Associés à ce texte les photomontages produits n’apparaissent pas univoques.

En effet on se demande si les utopies proposées sont souhaitables ou non, porteuses d’espoir ou critiques.

L’obsession de la grille, utopie sans forme architecturale ou distopie?

Dans les visuels du « Monument Continu «, l’architecture est réduite à une trame blanche abstraite et neutre, répétée à l’infini, pure conception spéculative qui se mue parfois en mega structure. Cette mise en volume minimaliste n’est pas sans rappeler le goût moderne. Celle-ci tend à couvrir ainsi la terre tout entière, en conservant toutefois certains témoignages terrestres (littoral, morceaux de ville, collines, sol) qu’elle enserre indifféremment.

Cela signifie-t-il que finalement l’architecture importe peu et que l’homme pourrait aisément s’approprier cette mégastructure colonisant le monde comme dans non-stopcity d’ARCHIGRAM ou bien qu’au contraire s’agit-il d’une critique de l’architecture des années 60 standardisée et autiste à l’homme et son contexte, auto référentielle préfigurant une uniformisation mondialisée des modes de vie?

Aucune vue intérieure de la méga structure n’est proposée. La grille, pure objet mental angoisse à la fois par sa logique implacable mais peut aussi devenir le support de nouvelles formes de production et d’appropriation comme le suggère la présence humaine. Serait-ce une nouvelle table rase dans sa relation à son environnement?

L’ambiguïté entre grille bienfaisante, neutre ou maléfique demeure.

En conclusion, on pourra dire la grille cristallise des craintes toujours d’actualité.

Cette opposition brutale entre trame silencieuse/existant recouvert et homme semble signifier que le sujet essentiel, n’est pas la création matérielle architecturale ou d’objet mais l’homme et son devenir en question face à ce milieu entre neutre et mystique qui réinterroge les normalités.

Si la mégastructure fait figure de «monument» par sa taille, quelles valeurs communes est-elle censée magnifier?

Ici, aucune fonction propre ne transparaît, aucune référence n’est visible si ce n’est celle du langage architectural moderne réduit à sa plus simple expression.

La mégastucture simpliste parcourant la terre relie physiquement et culturellement les hommes, n’est-ce pas au risque que les cultures locales se perdent?

Superstudio met l’architecte face à ses responsabilités :

«C’est le concepteur qui doit tenter de réévaluer son rôle dans le cauchemar qu’il a contribué à concevoir.»

BENOIT S.

 

” …si le design est plutôt une incitation à consommer, alors nous devons rejeter le design ; si l’architecture sert plutôt à codifier le modèle bourgeois de société et de propriété, alors nous devons rejeter l’architecture ; si l’architecture et l’urbanisme sont plutôt la formalisation des divisions sociales injustes actuelles, alors nous devons rejeter l’urbanisation et ses villes… jusqu’à ce que tout acte de design ait pour but de rencontrer les besoins primordiaux. D’ici là, le design doit disparaître. Nous pouvons vivre sans architecture. ”

Adolfo NATALINI, 1971

 

 

COOK, Peter, 1999 : Archigram, Princeton Architectural Press.

COOK, Peter, 1967 : Architecture: Action & Plan., London, Studio Vista, 1967.

COOK, Peter, 1970 : Archigram, London, Archigram Group, 1970.

USBORNE, David; COOK, Peter; & GREENE, David, 1961 : Archigram Paper One, 1961.

COOK, Peter; GREENE, David; & WEBB, Michael, 1962 : Archigram 2, 1962.

CHALK, Warren; COOK, Peter; CROMPTON, Dennis; GREENE, David; HERRON, Ron; & WEBB, Michael , 1963 : Archigram 3: Towards Throwaway Architecture, 1963.

CHALK, Warren; COOK, Peter; CROMPTON, Dennis; GREENE, David; HERRON, Ron; & WEBB, Michael , 1964 : Archigram 4: Zoom Issue, 1964.

CHALK, Warren; COOK, Peter; CROMPTON, Dennis; GREENE, David; HERRON, Ron; & WEBB, Michael , 1964 : Archigram 5: Metropolis, 1964.

COOK, Peter (ed.); CHALK, Warren; CROMPTON, Dennis, 1965 : Archigram No. 6 (The Forties), 1965.

COOK, Peter (ed.); CHALK, Warren; CROMPTON, Dennis; HERRON, Ron; GREENE, David; & WEBB, Michael, 1966 : Archigram Seven: Beyond Architecture, 1966.

COOK, Peter (ed.); CROMPTON, Dennis; GREENE, David; HERRON, Ron; & TAUNTON, Geoff, 1968 : Archigram Eight: Popular Pak Issue, 1968.

COOK, Peter (ed.); TAUNTON, Geoff; CHALK, Warren, CROMPTON, Dennis; GREENE, David; HERRON, Ron; WEBB, Michael; & Envirolab, 1970 : Archigram Nine: Fruitiest Yet, 1970.

COOK, Peter; HERRON, Ron; JOWSEY, Diana; BORSTEIN, Naomi; & DE WITT, Kathy, 1974 : Archigram 9 ½, 1974.

NATALINI, Adolfo, 1980 : A city model for a model city; Architects: Adolfo Natalini, of Superstudio, in Daidalos no.4 June 15, 1982, p.81-85.

EISENMAN, peter, 1970 : Conceptual architecture: towards a definition, in Design Quarterly no.78-79 1970, p.1-66.

SUPERSTUDIO, 1969 : Projects and ideas of the group Superstudio of Florence, in Domus (479) October 1969, p.38-42.