DEOTTE, Jean-Louis, 1993 : Membrane et différences de temps, in Le musée, l’origine de l’esthétique ,Éditions L’HARMATTAN, p137.
DEOTTE, Jean-Louis, 1993 : Membrane et différences de temps, in Le musée, l’origine de l’esthétique ,Éditions L’HARMATTAN, p137.
Professeur de philosophie en université, section «Arts, Philosophie, Esthétique», il écrit cet article en s’appuyant principalement sur une peinture de CÉZANNE, son célèbre tableau des pommes. On se situe à la fin du XIXe siècle.
Il est question dans ce texte du musée comme surface d’accueil. Avec son tableau des pommes, CÉZANNE donne une nouvelle définition à cette surface d’inscription.
A l’échelle du tableau, la convergence créée par l’objet (la pomme) a tendance à effacer le cadre. En effet, cette convergence des bords de l’objet, vers un centre placé à notre horizon, (soit la perspective) pousse également notre regard à converger en ce centre.
Ainsi, le cadre, et successivement les limites du volume, de la salle, par extension les parois du musée, tendent à disparaître, à devenir comme abstraites, immatérielles. Et par opposition, notre œil est concentré sur la pomme, soit l’oeuvre.
Cette interaction forte entre œil et chose vue détachent ceux-ci de leur contexte et devient réciproque : l’oeil devient pomme, la pomme devient œil, et le spectateur devient le regard du tableau.
Le tableau n’est alors plus seulement une surface d’inscription, mais une réelle « membrane », permettant donc des mouvements d’échange. Le musée est alors défini par son rôle de « médiation », soit d’intermédiaire entre l’oeil et la chose vue.
Concrètement, le traitement de la lumière, des couleurs dans le musée est une caractéristique jouant sur cette fonction de médiation. La position et les proportions de l’oeuvre dans l’espace ont également leur importance, à l’image de la pomme dans le tableau.
D’une part, on a donc un musée « cézanien », assimilable à une surface membrane d’échanges.
D’autre part, il faut penser que cette surface, ayant un premier rôle d’accueil, est la destination des œuvres arrachées de leur contexte. Leur suspension maintenue à l’écart de « leur lieu » et de « leur temps » est un facteur commun nécessaire, il permet ainsi de créer un dispositif visuel cohérent.
Malgré les différences d’époques, de lieux, les changements de destination, l’arrachage relatifs à la vie « complexe » des œuvres, on leur trouve une base commune : dans leur parcours justement, et dans l’ « universel », l’univers de l’art.
Pour conclure, lorsque l’oeuvre nous fait disparaître nos perceptions sur les limites de l’espace, nous ne percevons plus ni intérieur, ni extérieur, alors le musée se rapproche d’un nulle part, d’un espace difficilement définissable.
A cette absence de spatialité, ajoutons l’absence de temporalité liée à la suspension. Le Musée peut être alors qualifié de « non-lieu », tel que le sont les aéroports, les ponts, les passages… De la même façon qu’un pont relie deux points définis, le Musée ferait la transition entre la destination initiale de l’oeuvre et sa destination de monstration publique.
DEOTTE, Jean-Louis, 1993 : Membrane et différences de temps, in Le musée, l’origine de l’esthétique ,Éditions L’HARMATTAN, p137.
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